Pour cette première édition de Paris Photo LA, la Galerie Esther Woerdehoff (Paris) a choisi de se concentrer sur le travail du photographe Suisse Karlheinz Weinberger, redécouvert récemment, en exposant ses rares tirages vintage des années 60.
Les photographies de Gérard Musy évoquent, elles, les nuits des «Sexy Eighties», pleines de paillettes et de top-modèles.
La galerie expose également une grande photographie d’un autre artiste suisse : Michael von Graffenried qui s’est reconnecté avec ses racines familiales en documentant la vie quotidienne de New Bern, une petite ville américaine de Caroline du Nord.
Gérard Musy – Lustres & Lamées
Les deux séries du photographe suisse Gérard Musy, Lustres et Lamées, s’ouvrent sur la nuit des années 80, séductrice et fascinante. Dans le noir et blanc sophistiqué des “Sexy Eighties”, les genres et les classes se mélangeaient dans un cocktail d’énergie nocturne.
A Paris, la mode dictait ses codes entre le Palace et les Bains Douches, à New York, les boîtes de nuit réconciliaient banquiers et tagueurs, et à Londres, le magazine Skin Two initiait le monde au fétichisme. Les fêtes envahissaient la ville, des bars aux clubs, des cocktails aux concerts dans une euphorie de sexe, de drogue et de musique Gérard Musy a photographié les créatures vêtues de cuir, de latex et de paillettes qui régnaient alors sur ces nuits. Les femmes sont les héroïnes de ses photos : séductrices, complices, sulfureuses ou dominatrices. Tops modèles ou inconnues, le photographe se tient au plus près de ses sujets et ces reines de la nuit respirent une sensualité et une liberté qui semble depuis avoir disparu des clubs et des boîtes de nuit.
Michael von Graffenried – Our Town
«Quand Swiss Roots, une organisation qui offre aux Américains une occasion de retracer leur histoire suisse, s’est approché de moi avec l’idée d’aller à New Bern, j’ai d’abord dit non. New Bern, où Pepsi-Cola est né, est une petite ville de Caroline du Nord. Elle a été fondée par un ancêtre, Christoph von Graffenried, qui avait navigué jusqu’en Amérique en 1710. A ce moment là, je sentais que j’avais assez travaillé sur la Suisse mais après réflexion, j’ai décidé que je pouvais utiliser ce lien familial pour ouvrir les portes de cette ville sans histoire. J’y suis allé plusieurs fois au cours de l’année 2006. Je voulais tendre un miroir aux Etats-Unis.»
Karlheinz Weinberger – The Rebels
Des gangs en blouson noir, des poseurs vêtus de jean et de gros ceinturons, des filles au brushing en choucroute, les jeunes rebelles que photographie Karlheinz Weinberger dans les années 1960 ont pour héros James Dean, Marlon Brando, Elvis et Marylin. Pourtant nous sommes au fin fond de la Suisse alémanique, devant une génération que la société traditionnelle et conservatrice rejette en les appelant les “Verlaustan” (couverts de vermine) et qui se surnomment eux-mêmes les “Halbstaker” ou demi-durs.
Karlheinz Weinberger (1921-2006) rencontre ces groupes de jeunes à la fin des années 1950 et les photographie dans le studio de son appartement ou lors de leurs escapades dans la campagne suisse-allemande.
Ces jeunes qui s’approprient en décalage les codes de La Fureur de Vivre et se bricolent des tenues créatives et provocantes trouvent un admirateur en Karlheinz Weinberger. Le photographe les suivra plusieurs années, ce qui lui permet de s’échapper de son morne quotidien d’employé à l’inventaire d’une usine et d’accepter sa propre part de singularité.
Longtemps ignorée, cette oeuvre d’une vie nous dévoile avec beaucoup de tendresse et une pointe d’ironie, cette génération en quête d’identité, qui s’est construit une contre-culture originale à base de pastiche et de récupération.