Chaque année, Paris Photo met en lumière la scène émergente à travers un secteur dédié qui incarne toute la vitalité de la scène photographique. Pour cette édition, le retour de la foire au Grand Palais permet de lui offrir une place plus importante. L’Œil de la Photographie a rencontré Anna Planas, directrice artistique de la foire et en charge de concevoir ce secteur Emergence.
Quelle est la ligne directrice cette année pour le secteur Emergence ?
Elle fait écho à celle de la foire en général, qui est de mettre en avant la diversité du médium photographique. Cette année, nous avons agrandi le secteur pour passer de 16 à 23 projets. Nous tenions à montrer cette vitalité de la scène artistique photographique à travers des œuvres très différentes, allant du documentaire à l’expérimentation. Les propositions du secteur Emergence sont toutes des solo-shows afin de rentrer plus profondément dans le travail d’un artiste. La plupart sont de jeunes artistes dont l’œuvre est encore méconnue, cela permet de vraiment découvrir un travail.
Y a-t-il des grandes thématiques qui en ressortent ?
Au niveau plastique, d’un stand à l’autre on peut passer des collages de Miguel Angel Tornero, qui travaille sur des collages sur la grotte d’Altamira à travers des superpositions pleines volume à un retour à des techniques anciennes de la photographie comme la chambre noire ou à travers des approches plus expérimentales telle que celle d’Ester Vonplon qui utilise la lumière d’un tunnel pour révéler ses images sur du papier photosensible. Quant aux thématiques, beaucoup d’artistes parlent d’identité, de genre, d’écologie ou de mémoire, qui sont des sujets plutôt latents chez la jeune scène. Alice Pallot imagine des scénarios dystopiques en lien avec l’environnement. Sont montrés également les autoportraits de l’artiste togolaise Helene Amouzou réalisés pendant les dix années où elle a attendu son asile en Belgique. Il y a tous ces allers-retours entre des techniques et des sujets qui se font de façon assez organique dans la sélection.
Le corps est au cœur des préoccupations de beaucoup d’artistes.
Oui, il y a par exemple certains d’artistes qui travaillent sur le corps avec des œuvres à l’apparence très sculpturale, que ce soit dans la façon de photographier ou même parfois dans les objets qu’ils créent avec l’image. Je pense notamment aux autoportraits sculpturaux de Camille Vivier ou Isabelle Wenzel. Dans un autre registre, Lucile Boiron créé des œuvres sculpturales à partir de ses photographies qu’elle enferme dans une matière organique pour en faire des objets.
Quelle est la situation de la photographie émergente aujourd’hui et dans quelle direction se dirige-t-elle ?
J’essaie d’éviter de mettre des étiquettes sur les tendances, surtout aujourd’hui où nous vivons dans un monde dans lequel tout est très pluriel et divers. On le sent particulièrement chez la jeune génération. On a dans la foire des artistes émergents qui questionnent plutôt les techniques digitales avec l’intelligence artificielle et les outils d’art digital tandis que d’autres reviennent sur des technique anciennes, ou interviennent physiquement sur les tirages. La photographie documentaire, mêle librement des images propres, des documents, des archives, du son et de la vidéo.
Qu’apportent les jeunes galeries à Paris Photo ?
Si le fait de venir à Paris Photo leur permet d’accéder à une place un peu plus institutionnelle, elles amènent une fraicheur qui intéresse toute une nouvelle génération de collectionneurs. Les prix du secteur Emergence sont un peu différents du secteur principal puisqu’en règle générale le tirage commence à 1000/2000 euros et va jusqu’à 10 000 euros. C’est pour nous une manière de proposer des oeuvres à des plus jeunes collectionneurs, avec des artistes qui débutent sur le marché.
Quelles sont les autres initiatives menées par Paris Photo pour la scène émergente ?
Il y a le beau projet de Carte Blanche qui a été mis en place il y a déjà quelques années en partenariat avec Picto et Gares et Connexions. Un jury se réunit tous les ans en amont de Paris Photo et sélectionne les œuvres de quatre étudiants en photographie, qui sont présentées dans une exposition en gare de Lyon. Ils sont également invités à présenter leur travail pendant toute la durée de la foire et rencontrer des professionnels. C’est un programme d’accompagnement. Cette année les lauréats sont Alice Poyzer (UWE – University of the West of England – Royaume-Uni), Anna Jocham (Kunstakademie Düsseldorf, Allemagne), Joel Jimenez Jara (Universitat Autònoma de Barcelona, Espagne) et Toma Gerzha (Gerrit Rietveld Academie, Pays-Bas). Outre Carte Blanche, mentionnons également le prix du livre Paris Photo-Aperture qui récompense la publication d’un premier livre avec une dotation de 10.000 dollars.
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