2024 est une année importante pour Paris Photo qui retrouve l’enceinte du Grand Palais après une longue période de travaux. L’Œil de la Photographie a rencontré Florence Bourgeois sa directrice depuis dix ans.
Cette édition marque le retour très attendu de Paris Photo au Grand Palais.
Effectivement, il y a une très grande excitation liée au fait que nous revenons dans ce cadre historique et en majesté puisque nous aurons un espace de 21 000 mètres carrés, contre 12 000 au Grand Palais Éphémère et 16 000 lorsque nous étions au Grand Palais. C’est donc une montée en puissance pour Paris Photo, en termes d’espace, et une programmation enrichie. Cela concerne tant la partie marchande que les différents secteurs et parcours.
Pouvez-vous nous parler du secteur Voices que vous inaugurez cette année ?
Ce qui nous a d’abord intéressé en créant ce secteur est de travailler avec des commissaires d’exposition car cela permet d’ouvrir le regard. Les commissaires sélectionnés sont chacun dotés d’une immense expertise dans un domaine spécifique de la photographie. Elena Navarro, fondatrice de FotoMéxico, a une grande connaissance de la scène sud-américaine et espagnole. Azu Nwagbogu, fondateur du Lagos Photo Festival et commissaire du pavillon du Bénin à la Biennale de Venise, apporte lui une vision plus large à travers un projet autour des archives. Sonia Voss a quant à elle un regard affûté sur la scène d’Europe de l’Est et du Nord. Tous trois nous permettent de présenter des artistes et des galeries qui ne seraient pas forcément venus à la foire autrement.
La nouvelle enceinte du Grand Palais permet un autre grand retour, celui du secteur Prismes, qui met l’accent sur l’aspect monumental de la photographie. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Nous tenions à mettre en avant des projets monumentaux ainsi que des installations car ils sortent du cadre classique de la photographie. Nous avons décidé de ne pas centraliser ce secteur mais de distribuer ces projets au sein de la nef et du secteur principal. Les visiteurs pourront ainsi découvrir pour la première fois la série de 619 tirages de la spectaculaire série People from the Twentieth Century d’August Sander à l’entrée de la foire (galerie Julian Sander) ou encore 1078 clichés de ciel bleu capturés sur des sites d’anciens camps nazis avec lesquels le photographe Antons Kusters aborde les thèmes du traumatisme et de la commémoration (In-Dependance by Ibasho). Les différents projets de Prismes permettent de montrer la photographie sous un angle différent, plus déconstruit, avec un nouveau vocabulaire visuel.
Jim Jarmusch est l’invité d’honneur de cette édition. Ce choix s’inscrit-il dans votre volonté de décloisonner la photographie, en l’approchant ici par le prisme du cinéma ?
Il y a deux choses intéressantes avec Jim Jarmusch. Il propose un parcours d’une trentaine d’œuvres sur la foire qui permet en effet d’offrir un autre angle. Cela est important dans une foire aussi dense car le visiteur peut décider de se concentrer sur des parcours spécifiques, le regard de Jarmusch par exemple ou encore ELLES x Paris Photo. Du reste, le cinéaste tiendra une conversation lors de la foire offrant la possibilité d’entendre une grand personnalité du milieu du cinéma et de la photographie.
Le secteur « ELLES x Paris Photo », en partenariat avec Kering, met à l’honneur les artistes féminines depuis six ans. Quelles sont les évolutions ?
Lorsque nous avons lancé ce secteur il y a six ans, seulement 20 % des artistes sur la foire étaient des femmes. L’année dernière, ce chiffre était monté à 36 %, et cette année à 38 %. Cette progression est le fruit d’un travail de sensibilisation auprès des galeries et du public. Du reste, Kering offre cette année un soutien supplémentaire à travers des bourses accordées à quatre galeries présentant uniquement des artistes féminines : Monitor, Higher Pictures, Martini & Ronchetti et Nadja Vilenne.
Comment le marché de la photographie évolue-t-il actuellement ?
Le contexte est plutôt anxiogène que ce soit au niveau international et géopolitique ainsi que pour le marché de l’art en général. Les décisions peuvent être un petit peu plus longues à prendre. À côté de cela, nous avons cette année des œuvres dont les prix vont de 1000 euros à deux millions et demi d’euros pour un Gordon Matta Clark présenté par la Patinoire Royale. Le marché existe bel et bien, l’argent circule et les ventes se poursuivent. Quant à Paris Photo, nous maintenons notre position et demeurons un soutien extrêmement fort pour les galeries en faisant le choix de ne pas augmenter les prix de façon significative d’une année sur l’autre. Cela ne signifie pas que, de notre côté, nous ne faisons pas face à de très fortes augmentations de la part de nos prestataires.
Quelles sont vos attentes pour cette édition ?
Mon attente est double : d’abord, que les exposants rencontreront les collectionneurs et les institutions. Et c’est d’ailleurs pour cela que les galeries américaines viennent, parce qu’elles savent que plus de 170 musées et groupes de musées seront présents sur la foire. Quant au grand public, j’espère que les visiteurs viendront sur la foire pour découvrir la photographie, partager avec les galeries et les éditeurs qui sont là pour faire connaître le médium. On a la chance d’avoir une jauge qui a triplé cette année grâce à notre gain d’espace. Nous attendons donc le plus grand nombre.
Paris est-elle toujours capitale de la photographie à vos yeux ?
Indéniablement. On le voit d’ailleurs avec tous les projets satellites qui se montent et dont je pense que Paris Photo est la colonne vertébrale : le réseau LUX qui vient d’être créé, Photodays, PhotoSaintGermain, le salon approche et bien d’autres… Il y a énormément d’événements autour de la photographie lors de la semaine de la foire et nous en sommes extrêmement fiers.
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