« Faire parler les événements dans leur intériorité, reconnaitre et choisir les détails et le moment qui seront les plus éloquents, tout en laissant la place au non-dit et en restant ouvert à l’interrogation.» Telle est la réflexion du photographe Jeffrey Silverthorne. Dans cette photographie de 1993/94, Mister Lotus, alter ego du photographe, est représenté dans des mises en scène peuplées de références mythologiques et d’interrogations d’ordre spirituelles. Ici, un clown dont le sourire forcé aux couleurs peintes en technicolor, danse avec une figurine asexuée. Engoncé, ce pantin ne conduit pas le mouvement du vivant et semble entraîner l’autre malgré lui, inéluctablement.©Jeffrey Silverthrone- Agence Vu’
Dans une tentative de représentation du monde, le photographe japonais Aki Lumi utilise une pointe de compas pour dessiner des lignes aléatoires sur la prise de vue. Le photographe dépose sur le négatif des ailes de papillons agrandies au centuple, brouillant le sens de la perspective. De nouveaux axes de repère aboutissent à des ramifications vers d'autres détails de l'image en deux dimensions. Aki Lumi interroge les flux pour inciter une nouvelle perception dans ce tirage unique.rn©Aki Lumi Traceryscape-NZ3010. Galerie Françoise Paviotrnrn
Hazem Harb, influencé lui aussi par le Bauhaus, a transformé l'image face aux traumas d'un territoire en proie à la violence pour inciter aux questionnements liés à la mémoire. Ainsi un passé historique, géographique et humain toujours apparent est comme enchu00e2ssé et recouvert par les strates de l'histoire politique du conflit en Palestine.rn©Hazem Harb. ATHR Gal
Si l'on se plonge dans l'inconscient face au cauchemar vert, Michele Alassio choisit une nature luxuriante qui prend le dessus sur les ruines d'un passé révolu. Ce travail sur l'obscurité symbolique de l'inconscient est retranscrit par l'exploration de la vie ou survie d'une nature surpuissante, d'un vert vif et piquant. Nous ne sommes pas si éloignés de l'univers du livre d'Olivier Sachs, physicien et enseignant en neurologie, L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau, à l'origine de l'essai photographique exploré par le photographe en 2002.©Hazem Harb. ATHR Galleryrn©Michele Alassio. Aristocratic Galleryrn
Détour par la Méditerranée et en particulier la Grèce avec cette photographie de Bernard Plossu, prise sur l'Ile de Tilos en 1997. Bernard Plossu, " orpailleur de l'espace ", a déposé ses sandales un été sous la tonnelle. La lumière blanche y est tranchante. Pieds nus, le spectateur entre se reposer dans ce lieu semblant si familier, sous les traits graphiques des jeux d'ombre.rn
Retour à la couleur, et au bleu du ciel, pour ce tirage Cibachrome d'Olivia Bee, nommé Baller (2011), qui donne envie de flotter dans les airs, de ne plus toucher le sol. Après avoir déposé ses sandales, on s'élève dans la couleur bleue associée à la lumière, symbole du divin en Occident à partir de l'an 1000. Depuis le XIXème siècle, le bleu est la couleur préférée à plus de 50% des Occidentaux, comme le révèle la plupart des enquêtes plus ou moins commanditées par la publicité. Olivia Bee travaille pour des marques et magazines de mode. Elle a connu le succès très tôt. La photographie de mode connau00eet de véritables transformations avec d'intéressantes fulgurances. Le mot bleu était totalement absent du vocabulaire de la Grèce antique, c'est finalement peut-être pour cette raison qu'après avoir hésité à choisir les très belles photographies en couleur de Bernard Plossu sur papier Fresson, j'ai finalement opté pour le noir et blanc (le blanc étant ma couleur préférée). Si l'on considère que le blanc est une couleur !rn©Olivia Bee/Galerie Agnès B.rnrn
Autre mise en scène, celle de la photographie de Roger Ballen intitulée Dove catcher, 2009, orchestrée dans une demeure de la banlieue de Johannesburg avec ses habitants et oiseaux, colombes en particulier, entourés de murs remplis de graffitis. Les u0153uvres de Roger Ballen se veulent des épiphanies, moments révélateurs de ce qui est caché.rn©Roger Ballen, Galerie Karsten Grevern
Qui n'a pas vu la vidéo datant du 19 février 2014 de Jérôme Sessini, tournée à Kiev sous les balles des snipers ? Des snipers ouvrent le feu sur des manifestants désarmés qui se dirigent dans la rue Instituska. Selon la source officielle, 70 manifestants ont été abattus. Une autre source, non officielle, a déclaré que des tireurs embusqués ont ouvert le feu sur la police et les manifestants en même temps afin de les monter les uns contre les autres.rn©Jerôme Sessini, Agence Magnumrn
" On reste dans le documentaire, mais pour rendre compte de la réalité, on passe dans le virtuel ", explique le photographe Stéphane Couturier en juillet 2014. Diar El Mahçoul, simple confort N°1, titre de cette photographie, est issue de la série " Alger- Cité climat de France. La transition est toute trouvée entre cette représentation et celle de Jérôme Sessini, afin de distinguer recherches formelles d'expressions diverses, pour parler ici du réel, et fusion d'images analogiques.rnComment montrer la dégradation et la surpopulation d'une cité conçue dans les années 50 pour répondre à un manque crucial de logement ? Comment énoncer une narration en intégrant l'intervention de la population qui a creusé des fenêtres et installé des tentes sur les toits ? Le photographe y répond en introduisant des strates multiples et des fragments superposés.rn©Stéphane Couturier, Galerie Polarisrn
Senor Emmarcado, Framed man, démontre à quel point Graciela Iturbide joue avec ses propres associations imaginaires. La photographe prétend qu'elle n'a jamais composé une image : cette image datée de 1972 en est pourtant la parfaite démonstration : l'homme pose dans un décor adéquat sous forme de portrait encadré, un entre-deux de l'instantané pris sur le vif, et l'idée de la photographe qui le pousse à rentrer dans un second cadre : celui du viseur. rn©Graciela Iturbidern
Les noirs et gris de Jean-Claude Pondevie révèlent, peu à peu, lorsque l'u0153il scrute la photographie de près, des intérieurs abandonnés. Cet architecte aime traquer la vie au-delà de l'objet inerte comme dans cette chambre magmatique. Cette recherche de l'épure sur papier coton Hahnemu00fclhe au noir poudré et aux notes poussiéreuses pourrait s'associer à l'encre, aux cristaux de zingage ou au basalte, issu du refroidissement du magma, au-dessus du volcan.rn©Jean Claude Pondevie. Galerie Melanie Riorn
La photographe Kati Horna fuit l'Allemagne nazi en 1933 et se retrouve à Paris où elle achète des poupées et des masques. Elle se rapproche alors des principes de la photographie surréaliste. Basée -entre autre- sur le changement dans la perception des choses, " le surréalisme tend à la récupération de notre psychique par un moyen qui n'est autre que la descente vertigineuse en vous ", écrit J-L Rispail dans le Révolution surréaliste. La problématique se trouve entre perception (expérience immédiate) et représentation. Le masque symbolise la déshumanisation de la société pour certains. La photographe s'installe définitivement au Mexique où elle crée en 1962 des contes visuels pour le magazine SNob, et travaille avec Leonora Carrington et Edward James.rn© Prestado, 1963.Estate Kati Horna. Courtesy Michael Hoppen Galleryrn
Cette photographie de Renata Siqueira Bueno est autant de rendez-vous : vision d'une femme, de grande taille et souvent dénudée, de l'eau, dense et parfois tumultueuse, de la courbe de l'ombre ou d'un faisceau de lumière. L'attente est de ce que dévoile le rendez-vous. L'heure est précise, rien n'est laissé au hasard dans la composition, le temps de pose est long. L'attente est une activité intense pour que s'efface la présence de l'élément eau et sa confidence. On parle du paysage du Brésil intérieur, le plus souvent. Le frémissement de l'eau peut se confondre avec les plis d'une roche. Ce qui est vu n'est pas toujours parfaitement identifiable. Parfois la lumière, parfois son arborescence.rn©Renata Siquiera Bueno. Little birds Galleryrn
Retour au berceau de la culture occidentale qu'est la Grèce, avec cette vue de l'Acropole photographiée par Robert McCabe. Après un premier voyage en Grèce en 1954, il y retourne en 1955, voyage sur un cargo avec son Rolleiflex et un 75 mm Zeiss. Il parcourt une Grèce essentiellement rurale, pas encore envahie par le tourisme de masse. L'Acropole n'était pas ceinturée par la ville comme aujourd'hui. Cette route de l'Observatoire, élégiaque, et qui n'est pas sans nostalgie, illumine paradoxalement l'avenir. Témoin d'un passé, de paysages disparus, l'ensemble considérable de ces images possède une valeur patrimoniale, authentique.rn©Robert Mc Cabe. Sit Down Galleryrn
Le photographe Bae Bien-U met l'accent sur la relation entre l'Homme et la nature. La communion avec la nature est le leitmotiv de l'u0153uvre photographique de Bae. Elle reflète la préoccupation du peuple coréen à vivre en harmonie avec celle-ci. Le photographe réussit à figer sur papier toute la dramaturgie et la magie du lieu mythique et l'énergie vitale des arbres. Photographe depuis les années 1970, son travail s'oriente essentiellement aujourd'hui autour de l'immortalisation des forêts de pins typiques de la Corée. Ce choix ne semble pas anodin puisque le pin est un arbre sacré dans la culture coréenne où il est considéré comme le symbole de la longévité, du courage, de la force de caractère, de la prospérité, de la persévérance et de la fidélité. Cet arbre imposant se tient là à l'abri du monde. On en recense 80 500. Il présente un port élancé, étroit et pyramidal qui s'étale assez peu. C'est un bon compagnon pour les autres arbres : il n'existe pas d'incompatibilité avérée. rn©Bae Bien-U. Galerie RXrn