Rechercher un article

Paris Photo 2014 : Geoffroy Dubois, directeur de la galerie Paris-Beijing

Preview

Alors que Paris Photo vient d’ouvrir ses portes aujourd’hui au Grand Palais, galeries et autres espaces d’art en France et à l’étranger ont préparé leur sélection d’œuvres à exposer. C’est le cas de la galerie Paris-Beijing, une des rares galeries dédiées à l’art contemporain asiatique à Paris.

Fondée en 2006 par Flore et Romain Degoul, la galerie Paris-Beijing peut se targuer de jouer un rôle fondamental dans la promotion de la photographie asiatique. À ce jour, elle représente et collabore avec une quarantaine d’artistes, et fait partie des premiers espaces à avoir mis en avant les travaux de photographes maintenant internationalement reconnus comme Chen Jiagang, Yang Yongliang, Wang Qingsong ou encore Liu Bolin. Toujours en pleine expansion, la galerie est maintenant dotée de trois espaces (Paris, Pékin, Bruxelles) et ouvrira le 29 novembre prochain un nouvel espace de 400m2 au 62, rue de Turbigo avec Korean Shape, une exposition proposant une sélection d’œuvres de la scène artistique coréenne.

Cette année, Paris Photo n’offre que trois espaces liés à la photographie chinoise. Seuls la galerie Paris-Beijing, la Magda Danysz Gallery et le Three Shadows +3 Gallery font acte de présence. Fort d’une sélection de huit grands noms (Gao Brothers, Zhang Dali, Liu Bolin, Mo Yi, Peng Chi, Ren Hang, Ai Weiwei, Hei Yue), la galerie ne s’est pas contentée de faire un “group show”, mais au contraire propose aux visiteurs de découvrir les œuvres rassemblées sous le thème de la censure.

Marine Cabos : Dans le cadre de Paris Photo, vous présentez huit artistes regroupés sous le thème de la censure. Pourquoi avoir choisi ce sujet en particulier?

Geoffroy Dubois : Quand Romain et Flore Degoul ont ouvert la galerie en 2006 à Pékin, et depuis que je les ai rejoint en 2009 à Paris, nous avons réalisé qu’il y a une question qui revient souvent de la part des collectionneurs : est-ce qu’il y a encore de la censure en Chine à l’heure actuelle ? Comme nos réponses étaient à chaque fois différentes, nous avons pensé que cette exposition serait un bon moyen de répondre plus clairement. À travers cet accrochage, nous apportons différentes formes de censure et différents thèmes de censure ; autrement dit cela peut toucher la morale, la religion, la nudité, la sexualité, l’opinion politique. Ce que nous souhaitons montrer, c’est que les artistes chinois ont intégré cette possibilité d’être censurés, et quels sont en conséquence les moyens utilisés. Cela peut être des formes détournées comme des jeux de mots, une iconographie renvoyant vers une autre idée, mais aussi une forme d’autocensure qu’ils développent dans leurs travaux. Ce qui nous intéressait également, c’était de voir le regard de différentes générations d’artistes, nous avons commencé avec une génération qui s’ouvrait à peine au monde, loin de la Chine capitaliste d’aujourd’hui. Et on arrive avec une nouvelle génération possédant des regards différents, des attentes différentes, ce sont en général des gens qui ont voyagé, qui sont sorti de la Chine, qui parlent anglais, ce qui est radicalement différent.

M. C. : Les artistes sont au courant qu’ils vont être exposés sous ce thème-là ?

G. D. : Bien sûr, tous les artistes sont au courant. Nous avons pris contact avec eux pour leur demander ce qu’ils pensent de cette question de la censure, car l’idée est aussi d’avoir le point de vue de l’artiste.

M. C. : Parmi les artistes exposés il y a Ren Hang, la star montante de la scène photographique chinoise. La Nue Galerie lui a consacré une exposition en début d’année, les éditions Bessard ont publié une monographie en édition limitée en août dernier, et la Three Shadows +3 Gallery va montrer quelques unes de ses photographies à Paris Photo également. C’est intéressant d’apporter une lecture politique à ses images habituellement associées à une certaine sexualité décomplexée.

G. D. : Nous avons remarqué en effet que le Three Shadows apportait aussi Ren Hang, mais ils l’amènent d’une manière totalement différente. Eux insistent sur les photographies avec les corps dans la nature, qui au final est un type de photographie différent de ce qu’il peut faire d’habitude. Cela reste une photographie assez forte et directe. Nous allons donc proposer deux visions de son travail, afin de voir comment il peut s’intégrer dans ce projet. D’ailleurs il fait partie des artistes dont les sites internet ont été censurés en Chine à plusieurs reprises. Maintenant, son site est hébergé sur un serveur, ce qui le protège de la censure. En revanche, il lui est impossible d’imprimer ses images en Chine. Toutes ses œuvres seront tirées à Paris pour l’occasion.

M.C. : Qui sont les collectionneurs de la photographie contemporaine chinoise ?

G. D. : Il y a plein de profils différents. Cela peut correspondre à des gens qui débutent dans la collection et qui commencent justement par le biais de la photographie car c’est un médium étonnant. D’autres ont déjà des collections mais ne connaissent pas les artistes chinois, et ils souhaitent apporter à leur collection quelque chose de différent. Puis il reste ceux qui sont des collectionneurs en artistes chinois depuis des années, qui ont été les premiers et qui continuent à suivre la nouvelle génération d’artistes. Ce sont toutefois essentiellement des collectionneurs européens, mais c’est en train de changer. Nous sommes très optimistes, nous avons des échos très positifs de nombreuses galeries en Chine qui nous disent qu’ils commencent à vendre à des collectionneurs chinois, ce qui ne se faisait pas il y a quatre ans.

M. C. : Au fur et à mesure des années, la galerie s’est ouverte à d’autres médiums (peinture, sculpture) et s’est intéressée à la photographie notamment coréenne et indienne. Quelle est l’idée directrice de ce tournant ?

G. D. : Nous sommes en train d’évoluer vers une galerie plus classique avec ce que cela implique ; autrement dit, nous prenons beaucoup plus de risques avec les artistes que nous allons rentrer. Nous nous sommes intéressés à la sculpture, à l’installation, donc à des choses plus difficiles à vendre à des collectionneurs. Nous faisons ce pari là car nous commençons à connaitre la scène photographique asiatique, tous les artistes qui nous intéressent sont déjà entrés dans la galerie ou alors ont collaboré avec nous. Nous trouvons qu’il est important d’avoir de nouveaux défis et de se rapprocher d’une nouvelle génération, notamment de peintres extrêmement doués comme par exemple Site Fu.

M. C. : La galerie organise des résidences d’artistes à Pékin, pouvez-vous m’en dire plus sur ce projet ?

G. D. : La galerie a en effet la possibilité d’accueillir des artistes à Pékin. Généralement, ce sont les artistes de la galerie, comme les Ghost of a Dream ou Jean-François Rauzier, mais d’autres ne faisant pas partie de la galerie sont également invités. Au total, une dizaine d’artistes a pu avoir l’occasion de partir. Notre équipe à Pékin organise des rencontres et les aide à réaliser leur projet. Cela aboutit souvent à une exposition, ou du moins à la production de pièces façonnées par la découverte d’une autre culture. Pour le moment nous n’organisons pas la même chose à Paris, mais j’espère qu’avec la nouvelle galerie ce sera possible. Par contre nous accueillons des artistes en résidence dans notre espace en Belgique. Par exemple il y a en ce moment pour la première fois Zhu Xinyu. Il va réaliser une peinture monumentale pendant un mois, mesurant six mètres sur trois. Il travaillera in situ, donc l’exposition sera en fait son atelier. Jusqu’ici, les œuvres produites en Chine ne sont pas mises en ligne sur le site, c’est quelque chose que nous gardons pour nous pour le moment mais que nous développerons plus tard.

M. C. : La galerie possède sa propre chaîne Youtube, quelle est la prochaine étape dans l’expansion digitale ?

G. D. : Nous sommes en train de faire le shop en ligne, notamment pour les catalogues, car nous sommes aussi éditeurs. Nous aimerions développer notre pôle édition, peut-être en créant des éditions limitées, des livres d’artistes, entre autres. Cela nous permet également d’être autonome, chose qui est très importante pour la galerie. Nous avons également plusieurs projets vidéos pour 2015.

M. C. : Quel est votre dernier coup de cœur en photographie ?

G. D. : J’ai vraiment eu un coup de cœur pour Ren Hang. Je trouve que c’est un travail très fort pour un artiste chinois. J’aime sa manière de documenter sa vie, ses voyages, de voir comment ses modèles changent puisque ce sont tantôt ses amis tantôt des gens qu’il va rencontrer ailleurs. Je trouve les thèmes abordés très intéressants, même si certaines images me plaisent plus que d’autres. Il fait partie de cette nouvelle génération d’artistes développant un art très assumé, montrant une certaine force de caractère car il pourrait se retrouver en prison.

INFORMATIONS
Paris-Beijing Galerie
Paris Photo : Stand C3
Adresse de la galerie :
54, rue du Vertbois
75003 Paris

Adresse de la galerie à partir du 29 novembre 2014
62, rue de Turbigo
75003 Paris

+33 (0) 1 42 74 32 36
[email protected]
http://www.galerieparisbeijing.com
http://www.parisphoto.fr

Merci de vous connecter ou de créer un compte pour lire la suite et accéder aux autres photos.

Installer notre WebApp sur iPhone
Installer notre WebApp sur Android