Peter Lindbergh fête ses 70 ans chez Gagosian à Paris, avec sa première exposition personnelle en France depuis plus de dix ans. Près de 40 photographies sur deux étages retracent, avec une fulgurante concision, ses plus de 40 ans de carrière prolifique dans la mode et pour des magazines comme Vogue, The New Yorker ou Harper’s Bazaar.
« Les photographes de mode sont les nouveaux peintres », a déclaré Lindbergh à Melanie Abrams du New York Times, alors qu’il préparait son exposition à la galerie. Il a voulu une présentation qui lui ressemble, qui allie son travail ultra connu — des images de stars ou de mannequins au naturel et sans artifices, devenues des icônes — à des photographies plus personnelles, des nus, des éléments de paysages, dans le même noir et blanc très contrasté.
Au rez-de-chaussée, de très grands formats, inhabituels chez lui. Ils sont présentés en solos, immenses, ou en diptyques. D’étonnantes associations, parfois loin de l’image que l’on se fait du travail du photographe : un cheval aperçu derrière des barreaux (Lo Alvaro, Sevilla, Spain, 2010) à côté d’un corps nu sans tête et sans fards (Uschi Obermaier, Los Angeles, USA, 1994) ; les branches d’un arbre sombre et poétique (Force of Nature, Dorset, England, 1985) et la structure métallique, graphique d’un pylône (Force of Men, Duisburg, Germany, 1984) ; ou encore ce double portrait d’une Linda Evangelista somptueuse et cernée dont le visage se fond dans le nuage de fumée qu’elle exhale (Linda Evangelista, Paris, France, 1990).
Seule sur un mur, l’une de ses plus célèbres images : androgyne et juvénile, Kate Moss pose en salopette (Kate Moss, New York, USA, 1994). Plus loin, éblouissantes de graphisme épuré, quatre paires de jambes en talons surgissent des tabourets sur lesquels elles sont montées : un Hommage à Pina Bausch (Paris, France, 1997) à qui Lindbergh voue un culte. En face, un clin d’œil à l’humour du photographe : l’envers du décor de Hollywood, le dos des panneaux couverts de graffitis, devant le paysage de collines de Los Angeles (Hollywood, USA, 1995).
Le regard infiniment humain que Lindbergh pose toujours sur ses modèles va chercher la nature profonde des êtres au-delà de l’apparence. Il dit : « Je ne pense pas que la beauté réelle puisse exister sans vérité, cette idée discrédite les retouches excessives du monde actuel. » La beauté seule ne l’intéresse d’ailleurs pas. Il invoque la rencontre et l’empathie avec une personne, plutôt que sa personnalité iconique. De lui, les mannequins disent qu’il les fait se sentir les plus belles femmes du monde. De fait, il les magnifie sans gommer leurs singularités.
En 1991, il a shooté l’élite des super modèles à Brooklyn pour le Vogue américain. Cindy Crawford, Tatjana Patitz, Helena Christensen, Linda Evangelista, Claudia Schiffer, Naomi Campbell, Karen Mulder, et Stephanie Seymour dans un décor inspiré de la culture des bikers : le cliché fait partie d’une série intitulée Wild at Heart. Une image que l’on retrouve à l’étage, au milieu de plus petits formats. Aux côtés d’Amber Valletta avec des ailes d’ange dans les rues de New York en 1993 ; Uma Thurman de profil le nez contre une vitre, Milla Jovovich, plusieurs fois, dont une, le regard ténébreux, dans un col roulé noir qui souligne ses traits fins ; Nicole Kidman vénéneuse tout en gants noirs et cheveux flottants… Des portraits de femmes qui se livrent sans restriction à l’objectif du photographe, qui respirent l’intensité et la fluidité de l’échange. Mais aussi, l’Hôtel du Nord à Paris, l’immeuble du New Yorker à Manhattan, ou les belles mains de Lorraine Bracco sur fond noir, comme si elles surgissaient de nulle part.
EXPOSITION
Peter Lindbergh
Jusqu’au 22 novembre 2014
Gagosian Gallery
4, rue de Ponthieu
75008 Paris
http://www.gagosian.com
http://www.peterlindbergh.com
Les tirages de l’exposition ont été réalisés par Picto.