La galerie Le Petit Espace consacre sa nouvelle exposition au photographe allemand Boris Eldagsen et c’est avec la série The Poem – how to disappear completely que la galerie vous accueille jusqu’au 9 mai prochain. A cette occasion, nous avons rencontré Carine Dolek, la directrice artistique du lieu, alors que la galerie s’apprête à fêter ses 1 an. L’occasion de dresser le bilan de cette première année d’existence et de nous présenter cette toute nouvelle exposition.
L’Oeil de la Photographie : Nous vous avions interviewée à l’occasion de l’ouverture de la galerie en mai 2014, quel est votre bilan après presqu’un an d’activité ?
Carine Dolek : Le bilan est très positif! La galerie aura un an dans un mois, on en est à la cinquième exposition. Nous avons participé au Mois de la Photo avec The Curse de Marianne Rosenstiehl, qui a eu tant de succès qu’il y a eu deux vernissages et un raz de marée de presse. Nous avons réussi d’une part à exister dans un marché parisien saturé de propositions, et d’autre part à créer une identité forte qui nous est propre et pour laquelle, visiblement, il y avait de la place !
Je pense qu’Olivier Placet (NDLR : co-directeur de la galerie) et moi pouvons être fiers de notre projet. En un an, j’ai appris deux choses : d’abord, cela m’a confirmé qu’il faut parler de ses projets, ne pas les laisser dormir dans ses tiroirs en rêvant. Si j’avais eu seule ce projet de galerie, je serai encore en train de le conceptualiser, de jouer avec l’idée dans ma tête. Avec un associé et un timing réel, les choses se sont concrétisées très vite, et mon réseau a immédiatement réagi. C’était agréablement surprenant, et ça m’a vraiment porté. J’ai beaucoup de gens à remercier à l’occasion de cet anniversaire.
Ensuite, c’est le mot « courageux« . J’ai beaucoup entendu que j’étais « courageuse », qu’ouvrir une énième galerie à Paris était « courageux », que nos choix sont « courageux »… C’est quoi le courage? J’ai regardé la définition Larousse : « Fermeté, force de caractère qui permet d’affronter le danger, la souffrance, les revers, les circonstances difficiles ». Bon. Dans ce cas, je ne connais que ça, moi, des gens courageux !
LODLP : Aujourd’hui, vous présentez votre cinquième exposition, « The Poems, how to disappear completely » de Boris Eldagsen, pouvez vous nous présenter ce travail et ce photographe ?
C. D. : J’avais remarqué son travail lors de la projection du prix Voies Off 2013 à Arles. Cela m’avait beaucoup plu et intrigué, et les amis avec qui j’étais n’avaient pas du tout aimé. J’avais noté que cela ne laissait pas indifférent, puis j’ai rangé ça dans un coin de ma tête. On s’est raté aux lectures de portfolio à Arles, mais il a pris rendez-vous avec moi aux lectures de portfolio du festival Encontros da Imagem à Braga, au Portugal. C’était une belle rencontre, on a discuté toute la nuit sous une pluie battante (oui, il pleut beaucoup au Portugal). Quand est venue la galerie, c’est tout naturellement que j’ai voulu exposer Boris.
Le postulat de départ est simple et surprenant : Qu’est ce qu’il y a entre deux étoiles, dans un trou noir, quand il n’y a rien pour arrêter la lumière et la refléter? et si l’obscurité était la juste métaphore du divin? Et ce postulat est le fil d’Ariane avec lequel on avance dans un monde nocturne, urbain et poétique, une véritable promenade en pleine conscience dans l’illusion de la perception, dans laquelle chacun trace son propre chemin. J’ai aimé cette grande liberté, ce vertige du « et si« , et la douceur, l’élégance, l’empathie de son univers. Des poèmes visuels, que chacun s’approprie . C’est réjouissant. De même pour le support. Vidéos, tirages, mais aussi papiers peints, qui occupent l’espace et s’abîment avec le temps.
LODLP : Comment se positionne la galerie Le Petit Espace parmi toutes les galeries parisiennes consacrées à la photographie ?
C. D. : Le positionnement de la galerie est assez simple également. Nous aimons les travaux qui font réfléchir sur la représentation, qui ne laissent pas indifférents. On me reparle encore de l’exposition The dwarf empire, et bien sûr de The Curse. Je veux proposer des oeuvres qui dégagent de l’intensité, de l’engagement. Créer des propositions dans lesquelles les gens sont sûrs qu’il se passe quelque chose…
LODLP : Pour cette exposition, en plus de mettre en vente des tirages classiques, vous vendez également les œuvres en très grand format en support papier papier peint, pouvez-vous nous expliquer ce choix ? Est-ce pour attirer un nouveau type de public ?
C. D. : Je ne sais pas si j’attire un type de public « nouveau », mais il y a sûrement un type de public qui nous correspond naturellement de part l’emplacement de la galerie, la jeunesse de la structure et ses propositions. On peut collectionner, et très bien collectionner, avec des appartements parisiens (le mot pudique pour dire « petits ») et les budgets qui vont avec. C’est important pour moi de désacraliser, de ne pas proposer des œuvres qui doivent trôner sur un mur entier et transformer une pièce à vivre en lieu de culte. Déjà dans l’exposition d’Armand Quetsch, dont nous proposions de très grands formats, nous avions veillé à les accrocher très près du sol, pour faire comme des portes, et les intégrer plus facilement dans un environnement quotidien. Les accrochages montrent souvent des possibilités plus ludiques et actuelles d’accrocher les œuvres, par exemple, j’aime beaucoup proposer des polyptiques en coins, toujours très appréciés. Pour les papiers peints, cela permet d’avoir une œuvre « monumentale » qui prend tout un mur, mais avec laquelle on peut vivre, dans un intérieur ou un open space. Le prix est très modique, le rapport à l’œuvre simplifié, et cela inverse aussi le rapport d’echelle et d’interaction. Ils permettent de vivre avec ses meubles, ses éléments muraux, ils peuvent s’user, se remplacer, ou se garder très longtemps suivant son usage. Et d’autre part, quand on se sent en affinité avec l’univers d’un artiste, le papier-peint permet aussi de concrètement le faire interagir avec son univers à soi, d’en faire une des « toiles de fond » de son quotidien.
EXPOSITION
The Poem – how to disappear completely
Boris Eldagsen
Du jeudi 19 mars au samedi 9 mai 2015
Le Petit Espace
15 rue Bouchardon
75010 Paris
France
Ouvert du mardi au samedi de 14h à 19h, sauf le week-end de Pâques.