Photographe connu pour les portraits de jeunes gens qu’il a réalisés dans la série « Modern Lovers », ou pour ceux de stars et d’anonymes, le regard bienveillant de Stéphane Gizard sait capter la beauté et la fragilité de ses modèles pour révéler leur sensualité, laisser affleurer l’expression d’une vérité ou d’un questionnement intime.
LIKE ME propose une approche polyphonique de la notion de portrait, et invite malicieusement à une grande plasticité d’interprétation de ce genre photographique canonique. Bras scarifié, dos tatoué, corps morcelé, silhouettes sans visage, têtes sans figure composent ainsi le premier volet d’un parcours en deux temps qui se poursuit avec une série de photographies en diptyque confrontant le regard des modèles sur eux-mêmes avec celui que le photographe porte sur eux. D’un côté (partie gauche du diptyque), le sujet photographié est à la manœuvre, il compose son image, ajuste sa posture et son expression, face à un iPad en mode « autoportrait », avant d’inviter Stéphane Gizard à enclencher les prises de vues selon des directives imposées à l’artiste. De l’autre côté (partie droite du diptyque), le photographe dirige le sujet et réalise le cliché, retrouvant ainsi ses prérogatives. Ces duos de portraits jouent ainsi une partition toute en nuances, parfois subtiles, parfois manifestes et donne l’occasion à Stéphane Gizard d’interroger les processus de composition qui définissent le portrait, l’autoportrait ou le « selfie », cet « égoportrait » associé à l’usage des smartphones. Ainsi, qu’il s’agisse de nos penchants mimétiques, de notre besoin de singularité ou bien de notre désir d’être désiré, LIKE ME interroge l’identité contemporaine, amplifiée par l’usage des réseaux sociaux ; identité fluctuante, multiple, oscillant entre narcissisme et dissolution.
Jean-Luc Soret