La belle balade ! Toute l’Italie dans l’objectif de Bernard Plossu à la Maison européenne de la photographie. Du Piémont à la Sicile, il a arpenté le pays depuis qu’il a ressenti, dans les années 70, l’urgence de partir sur les traces de ses ancêtres italiens.
« Et dès ce voyage à Rome en 1979, depuis les États-Unis, je n’ai plus jamais cessé d’aller tout le temps en Italie : un besoin, une passion : je m’y sens bien. Tout colle : l’ambiance, la peinture, la nourriture, les lectures (je ne lis à 90% que des auteurs italiens depuis des années !), je m’y sens “chez moi” : retrouvailles avec les racines familiales maternelles ? », écrit-il.
L’Italie entière le fascine : les gens comme les rues, les monuments ou les paysages. Souvent sous des ciels nuageux : « Je dis toujours que le mauvais temps est le beau temps d’un photographe ! », déclare t-il encore. Une Italie à la fois étrangement dépeuplée et très habitée, dans laquelle prédominent l’architecture et une présence humaine évoquée plutôt qu’appuyée. Un ensemble d’une grande richesse où l’on reconnaît sa maîtrise du cadrage, toujours juste.
La première partie, foisonnante, montre une Italie en noir et blanc, à la fois classique et très “plossusienne”. Les “motorini” et la saleté dans les rues de Naples en 1987, l’allure des femmes et l’élégance des vieux messieurs à Palerme en 2004, les antiquités de la Villa Giulia à Rome en 1980, l’église de Matera en 2011, des businessmen affairés dans les rues de Milan en 2006, des jeunes pêcheurs à Lipari en 1988. Ou l’art de révéler l’âme d’une ville, d’un lieu, à petites touches délicates, sans forcer : l’identité et les caractères, les ombres et la lumière, le vent et la mer… Et toujours son sens des détails : une fenêtre maintenue ouverte par un caillou à Lipari, une grille derrière un mur au ras de l’eau à Positano, un parapluie ouvert sur le pavé romain. Ce sont encore des paysages, auxquels le noir et blanc donne une splendeur veloutée : des nuages sur les collines de Toscane en 2009, des champs labourés bordés de peupliers au Piémont en 2013 ou l’île de Giglio dans la brume en 2001.
On aime encore davantage la seconde partie en couleur, superbe. Les couleurs passées aux contrastes flous confèrent aux photos un côté suranné de cartes postales anciennes, que contredisent les sujets contemporains. Comme les bâtiments industriels ou le cœur chahuté de Gênes, un pied habillé d’une chaussure luisante et pointue ou l’intérieur d’un café à Milan 2008 et 2009, une chambre d’hôtel à Livourne en 2014, une place désertée à Spilimbergo en 2008, ou les maisons colorées de l’île de Capraia en 2014.
Le récit subtil que compose ici le photographe, celui d’une Italie romantique teintée de mélancolie, parlera à tous ceux qui ont l’âme transalpine. Bernard Plossu a souvent cherché l’étrange, l’évidence d’une photo qui s’impose malgré lui. On le retrouve dans ce voyage artistique au long court, sans volonté de catalogue ni d’inventaire : un rêve éveillé, un regard qui s’émerveille et qui recueille, la suggestion d’une présence ou d’une narration personnelle, un rapport à un pays vécu autant que fantasmé, une confrontation heureuse…
EXPOSITION
L’Italie de Bernard Plossu
Jusqu’au 5 avril 2015
Maison européenne de la photographie
5/7, rue de Fourcy
75004 Paris
France
LIVRE
Voyages italiens
Bernard Plossu
Editions Xavier Barral
Textes : Bernard Plossu, Francesco Zanot, Walter Guadagnini
190 x 240 mm
216 pages
120 photographies N&B et 50 couleur
ISBN : 978-2-36511-061-7
Prix : 39,50 € TTC