Avenue de l’Opéra
Les nombreuses photos réalisées par Charles Marville sont intéressantes à plus d’un titre. Elles montrent non seulement le percement de l’avenue, mais aussi les moyens avec lesquels ont été effectués les travaux pharaoniques de Paris sous le Second Empire. Des pelles, des pioches, quelques carrioles tirées par des chevaux pour déplacer les gravats, et des hommes – jusqu’à 70.000 hommes chaque année – qui abattaient les immeubles en les « piochant » de haut en bas, du dernier étage jusqu’au rez-de-chaussée.
A cheval sur les premier et deuxième arrondissements, cette importante avenue commence place du Théâtre-Français pour finir place de l’Opéra. Elle a été ouverte en trois temps. Un premier tronçon, en 1864, entre la rue Louis-le-Grand et le boulevard des Capucines, un second en 1867, entre la place du Théâtre-Français et les rues de l’Echelle et Molière, et enfin, en 1876, le tronçon qui va des rues de l’Échelle et Molière à la rue Louis-le-Grand. Elle s’est d’abord appelée avenue Napoléon avant de recevoir, en 1873, son nom actuel, en hommage au théâtre national de l’Opéra qui est dans sa perspective.
Vues prises au niveau de rue d’Antin. Sur la photo ancienne, on assiste à l’achèvement du percement de l’avenue de l’Opéra (1877). Les immeubles vus au premier plan seront bientôt démolis et remplacés par les immeubles que l’on voit sur la photo actuelle, aux belles façades haussmanniennes.
Opéra de Paris
Situé entre la place de l’Opéra et la place Diaghilev, sa première pierre fut posée en 1862. Inauguré seulement le 5 janvier 1875, il est aujourd’hui le symbole du faste architectural du Second Empire.
Lors d’une visite du chantier en présence de l’empereur et du baron Haussmann, l’impératrice Eugénie, sceptique, interrogea l’architecte :
– Mais Monsieur Garnier, de quel style est-ce ?
– Du Napoléon III, Majesté, répondit-il.
« Le nouvel Opéra vient de s’ouvrir et a toutes les apparences de la grande prospérité. Il est déjà un monument historique ; il résume sous une forme visible et sensible ce que l’Empire se proposait d’être, et il constitue une sorte de symbole – un symbole très favorable – du legs de l’Empire à la France. Les opinions peuvent diverger au sujet de la beauté du bâtiment ; à mon avis il n’est pas beau ; mais personne ne peut nier qu’il soit superbement caractéristique ; qu’il reflète son époque, qu’il raconte l’histoire de la société qui l’a produit. Si cela, ainsi que le pensent certaines personnes, est le premier devoir d’un grand édifice, l’Opéra est une incomparable réussite. » Henry James, “Esquisses parisiennes”, 1875
Rue Réaumur
Elle commence rue du Temple pour finir rue Notre-Dame-des-Victoires. Cette voie a pour origine deux rues ouvertes en 1765 en prolongement l’une de l’autre, qui reliaient de part et d’autre d’un marché Saint-Martin disparu, la rue Saint-Martin à la rue Volta. Ces deux rues fusionnèrent en 1851 en une seule (nommée Réaumur en hommage au physicien du XVIIIe s.). Elle fut prolongée vers l’est, en 1858, de la rue Volta à la rue du Temple. Sa section occidentale, située entre la rue Saint-Denis et la rue Notre-Dame-des-Victoires, projetée dès 1864, n’a finalement été réalisée qu’en février 1897.
Vues prises de la rue Réaumur en direction de la rue Saint-Martin, depuis la rue Réaumur, au carrefour qu’elle fait avec les rues Turbigo et Montgolfier. Sur la photo de Marville, derrière les immeubles bientôt détruits, on reconnaît la tour surmontée de son clocheton.
Boulevard Henri IV
Il commence quai de Béthune pour finir place de la Bastille et boulevard Bourdon. A partir de 1866 fut percé le nouveau boulevard Henri IV afin de relier la Seine à la Bastille.
Pour percer ce boulevard, il fallut non seulement détruire, en 1878, l’hôtel des Lesdiguières à l’angle de la rue de la Cerisaie, mais aussi passer à travers les jardins du couvent des Célestins, monastère parisien construit sous François Ier, l’un des plus riches en œuvres d’art.
Le boulevard abrite également la bibliothèque de l’Arsenal, résidence de Sully, où se rendait Henri IV le jour de son assassinat par Ravaillac rue de la Ferronnerie. Par décret du 10 novembre 1877 le nom du roi galant fut donné officiellement au boulevard, et celui de Sully au pont construit au-delà de la bibliothèque de l’Arsenal et dans l’alignement de la colonne de Juillet, pour relier les nouveaux boulevards Henri IV et Saint-Germain.
Vues prises vers la place de la Bastille, au niveau de la caserne des Célestins (sur la droite). On devine en arrière plan la colonne de Juillet, au centre de la place de la République, ainsi nommée en commémoration des journées d’insurrection des 27, 28, 29 juillet 1830, dites “les Trois Glorieuses”.
Notre-Dame, l’ancien Hôtel-Dieu et Petit-Pont
Fondé en 651 par saint Landry, évêque de Paris, l’Hôtel-Dieu est le plus ancien hôpital de la capitale. Symbole de la charité et de l’hospitalité, il fut le seul hôpital parisien jusqu’à la Renaissance. En 1772, un incendie détruit une grande partie de l’Hôtel-Dieu. D’autres bâtiments sont alors construits et de nombreuses modifications sont apportées. Face au développement de la médecine, l’Hôtel-Dieu ne peut faire face. De nouveaux hôpitaux parisiens font leur apparition, (l’Hôpital Saint-Louis, La Pitié) chacun se spécialisant sur un ou plusieurs cas cliniques.
Durant le Second Empire, les bâtiments ne suffisent plus. À l’initiative du baron Haussmann, l’Hôtel-Dieu est déplacé et reconstruit à proximité de la Cathédrale Notre-Dame de Paris, entre la nouvelle rue d’Arcole et le Parvis. En arrière-plan, à droite, l’ancien hospice des Enfants-trouvés (détruit lors de la restructuration de l’Île-de-la-Cité sous le Second Empire).
Vues prises depuis le quai Saint-Michel (à droite). Le déplacement de l’Hôtel-Dieu a ouvert la perspective sur la cathédrale depuis les quais de la Seine. Sur la gauche, le bâtiment de la Préfecture de Police (Caserne de la Cité datant de 1860) construite sur le quai du Marché-Neuf. En arrière-plan les arbres du square Jean-Paul II.
Devant le parvis, le Petit-Pont, le plus court de Paris, qui existe depuis vingt siècles. Passerelle en bois à l’origine, il est construit en pierre en 1718, avant d’être reconstruit en 1853.
La Bièvre et ses Tanneries
La Bièvre, qui prend sa source à Guyancourt dans les Yvelines, se jetait autrefois dans la Seine à Paris (au niveau de la gare d’Austerlitz) après avoir traversé les départements des Yvelines, de l’Essonne, des Hauts-de-Seine, du Val-de-Marne et les Ve et XIIIe arrondissements de Paris.
En 1912, elle a été recouverte sur toute la longueur de son parcours urbain, libérant les quartiers traversés des odeurs nauséabondes dégagées par les tanneries qui y exerçaient leur industrie. Elle finit aujourd’hui son cours dans le collecteur principal des égouts de Paris.
Son nom viendrait du latin biber, bièvre, qui est l’ancien nom du castor, ou de beber qui signifie de couleur brune, comme ses eaux. Les armoiries du XIIIe arrondissement sont vaillamment portées par deux castors. De cette rivière, l’écrivain Huysmans traçait, en 1890, le portrait. « Comme bien des filles de la campagne, la Bièvre est, dès son arrivée à Paris, tombée dans l’affût industriel des racoleurs ; spoliée de ses vêtements d’herbes et de ses parures d’arbres, elle a dû aussitôt se mettre à l’ouvrage et s’épuiser aux horribles tâches qu’on exigeait d’elle. […] Le long de ses rives, elle est devenue mégissière, et, jours et nuits, elle lave l’ordure des peaux écorchées, macère les toisons épargnées et les cuirs bruts, subit les pinces de l’alun, les morsures de la chaux et des caustiques. Que de soirs, derrière les Gobelins, dans un pestilentiel fumet de vase, on la voit, seule, piétinant dans sa boue, au clair de lune, hébétée de fatigue…» in “La Bièvre”.
La vue récente a été prise rue Censier (Ve). A droite on aperçoit le débouché de la rue Santeuil. La rue Censier longe le tracé de la Bièvre.
PARIS, Avant/Après – 19e siècle et 21e siècle, Patrice de Moncan, Editions du Mécène, 45,00 €