Cinéaste, écrivain, modèle, actrice, danseuse Dominique Abel est une artiste comme on les aime. Déjà, une année de naissance (1963) qui est un très bon cru: Quentin Tarentino, Brad Pitt, Johnny Depp, Michael Jordan, Gary Kasparov ou encore la danseuse étoile Alessandra Perri. La suite n’est pas mal non plus. Ardéchoise, fille cadette d’un pasteur pas ordinaire et d’une aristocrate huguenote, après une vie scolaire mouvementée au gré du destin familial, elle se retrouve à Notre-Dame de Sion, en plein quartier Latin. Élève réfractaire dans un établissement contraire à son éducation libre et à sa personnalité, elle pratique systématiquement l’école buissonnière pour découvrir en solitaire, dans les salles obscures l’après-midi, le néoréalisme italien, Bresson, puis la Nouvelle Vague. Elle s’initie au théâtre avec des stages chez Ariane Mnouchkine. Mais c’est à Istanbul, où elle suit son frère aîné professeur de philosophie, qu’elle termine sa scolarité, satisfaisant ainsi un désir depuis longtemps ancré : sortir de France, découvrir un autre monde. Cette expérience bouleversera complètement sa vie, ainsi qu’un disque qu’elle a emmené dans ses bagages, Castillo de arena, de Camarón de la Isla et Paco de Lucía : une révélation.
De retour en France avec bac en poche, elle s’inscrit au cours Simon et gagne sa vie en faisant du striptease. Le démon du flamenco l’habite pourtant, une passion qui la poursuivra toujours. En 1983, du jour au lendemain, elle quitte tout et débarque à Madrid, en pleine Movida, avec 1 000 francs en poche, sans connaître un mot d’espagnol. Sous la recommandation d’Antonio Gades, elle intègre l’Académie de danse Flamenca Amor de Dios et pendant 7 ans, chaque jour, son corps se plie aux exigences de cette nouvelle expression sous la tutelle de maîtres (Manolete, Guïto, Carmen Cortes, la Tati). La nuit, c’est la fiesta quotidienne avec les plus grands. Quand le jour pointe elle va gagner son pain en posant à la faculté des Beaux-Arts où professeurs et étudiants la consacrent « Bella Durmiente ». Un photographe la voit danser, c’est le début d’une profession qu’elle n’aurait jamais choisie, le mannequinat, avec une rencontre essentielle à la clef : Javier Vallhonrat. C’est alors que, sans vouloir abandonner sa danse, et parallèlement, elle exerce comme actrice pour F. Dupeyron, J.A. Bardem ou Fina Torres. Peu à peu, le désir de mettre en scène les artistes qu’elle adore va s’emparer d’elle, et la placer derrière la caméra.
L’exposition que dévoile aujourd’hui la galerie Photo Vivienne est le témoignage de l’époque où Dominique Abel a posé pour de très grands photographes. Les photos montrent de multiples femmes en une (Caméléone est le titre de son livre autour de ce sujet, paru en France chez Robert Laffont et en Espagne chez Planeta), puis un goût inouï pour la pose, auquel à contribué un savoir-faire de danseuse et de comédienne, et l’immense complicité avec ceux qui « la prennent », ses « maîtres de la lumière », comme elle les appelle, — « qui lui ont tant appris ». Nous y découvrons la force, l’intelligence mais aussi la fragilité d’une immense artiste.
Provenant de la collection personnelle de Dominique Abel, les œuvres (une soixantaine de tirages) sont de Mark Arbeit, Giorgio Barbieri, Giuseppe Bau, Willy Biondani, Eric Blau, Knut Bry, Tony Campobello, Andrew Douglas, Eric Feinblatt, Alberto Garcia Alix, Jean-François Gaté, Uwe Hoomer, Frank Horvat, Joseph Hunwick, Jean-François Jonvelle, Eric Legrand, Marcial Llorcet, Peter Mandreau, Sarah Moon, Ben Oyne, Rafael Roa, Paolo Roversi, Jean-Loup Sieff, Keiichi Tahara, Nicolas Tourlière, Jean-Pierre Vallorani, Javier Vallhonrat, Klaus Wicktrat, Yutuka Yamamoto.
EXPOSITION
Dominique Abel: Le modèle et ses photographes
Galerie Photo Vivienne
Jusqu’au 25 mai 2014
4, galerie Vivienne
75002 Paris
France
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