La galerie Camera Obscura présente jusqu’au 24 octobre 2015 l’exposition Couleurde Bernard Plossu, un aspect moins connu de son œuvre : sa photographie en couleur.
Plossu a pourtant pratiqué la couleur dès ses débuts. En 1967, sa découverte du procédé Fresson, et l’amitié qui s’en suit avec cette famille de tireurs, détenteurs exclusifs du procédé pigmentaire qui porte leur nom, marque le début d’une collaboration quasiment exclusive : la grande majorité du travail couleur de Plossu est en effet tiré en « charbon Fresson ».
Ce rendu si particulier convient parfaitement à sa sensibilité et il « voit » la couleur photographiée à travers ce filtre « atmosphérique », aux teintes adoucies, imprécises.
Ainsi qu’il aime à le dire, un mot pourrait résumer sa philosophie de l’image : « understatement ». Ne pas en faire trop, éviter la belle image, le spectaculaire. Les tirages Fresson sont dans cet esprit : « Ils ont du grain, ils sont mats, comme les photos en noir et blanc. Rien de pictorialiste dans ma démarche, au contraire, je dis souvent que la pire des choses que l’on puisse dire d’une photo c’est : On dirait un tableau.
Le grain donne une ambiance proche des photos faites au Tri-X, le coté mat est anti-spectaculaire et ça me plait. Les Fressons atténuent délicatement la violence de toute lumière excessive, que ce soit en Arizona ou dans le sud de la France ! »
Le regard de Plossu, son style reste le même en noir et blanc et en couleur, mais celle-ci amène évidemment une jouissance formelle spécifique, une dimension nouvelle.
Mais cette dimension ne vient pas « en plus », elle substitue une abstraction à une autre : la couleur Fresson au noir et blanc. Ainsi le regard de Plossu se déploie également à travers ces deux techniques, comme un poète passant du vers libre à la rime.On connait même quelques images (du « Voyage mexicain » notamment) dont la prise de vue en diapositive a d’abord été tirée en noir et blanc avant de revenir à la couleur en tirage Fresson.
On a parfois tendance à considérer en premier lieu l’aspect « existentiel », celui du souvenir ou du récit, dans la photographie de Plossu alors que lui-même revendique plutôt un regard formaliste. Cette recherche formelle est bien évidente dans ses tirages Fresson et on s’émerveille devant l’arrangement subtil, jamais convenu, des masses, des lignes et des couleurs.
Cependant, on ne peut pas s’empêcher de penser, en recevant le souffle frais de cette photographie intuitive, rapide et légère, qu’il a réussi à fixer comme peu de photographes le sentiment fugace de la présence au monde qui nous traverse parfois comme un éblouissement. La photographie surprenant un instant quotidien, de peu de relief, et le figeant dans une évidence. Le mystère Plossu est là.
Didier Brousse
EXPOSITION
Couleur de Bernard Plossu
Du 8 septembre au 24 octobre 2015
Galerie Camera Obscura
268, boulevard Raspail
75014 Paris
mardi – vendredi 12h – 19h / samedi 11 – 19h
