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Ottawa: Don McCullin–Rétrospective

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Don McCullin, un photographe dans les champs de la mort
 
Reporter photo, Don McCullin a couvert les guerres civiles sur quatre continents, assumant ce rôle clé au risque de sa vie, de 1964 à 1985. Comme le souligne Harold Evans dans son introduction à la publication réalisée par le Musée des beaux-arts du Canada : « Don McCullin est quelqu’un qui a du cran. Quelqu’un qui, au beau milieu d’une fusillade, s’arrête pour mesurer le temps de pose ». Et à cela, le photographe répond : « À quoi bon se faire tuer si la photo n’est pas bien exposée? ».
 
Chez McCullin, l’émotion vive est préférée à l’instant décisif. Aussi, la charge émotive de ces photos est telle que tout ce qu’on y décèle cherchera à violer le regard. Or son intention est claire : il ne s’agit pas d’infliger au regardeur un souvenir intimidant, mais une obligation consciente : « Face à un peuple qui meurt de faim, il n’y a plus d’héroïsme qui tienne, écrit-il dans son autobiographie en 1990. Tout ce que je pouvais faire était, luttant contre un affreux sentiment d’impuissance, de conférer aux victimes […] le plus de dignité possible, tout en jouant le rôle qui était le mien : remuer la conscience de ceux qui pouvaient leur venir en aide ».
 
Réunis pour une première fois au Canada, 134 clichés issus des principales séries de McCullin retracent son parcours sur près d’un demi-siècle. Il s’agit d’une rétrospective sans précédent au Musée des beaux-arts du Canada (MBAC), institution qui n’avait, jusqu’ici, jamais consacré une exposition individuelle à un photographe britannique contemporain. Toutes les salles dédiées au dessin, à l’estampe et à la photographie ont été mobilisées pour l’occasion ; elles accueillent sans ordre chronologique apparent une sélection de tirages issus des zones de conflit couvertes par McCullin au cours de sa carrière.
 
Un texte liminaire accompagne chaque série et dirige le visiteur tout au long de sa déambulation ; une attention non négligeable – même si la chose est fréquente en contexte
muséal – pour saisir toute la portée de ce travail. Dans les salles plus spacieuses s’ajoutent les magazines qui, à l’époque, ont publié en exclusivité ses clichés, mais également des tirages inédits, non encadrés.
 
Art engagé
Concilier au sein d’un même cliché la vision du peintre et du photographe, voilà tout l’art de McCullin, lequel poursuit, à sa manière, l’oeuvre engagée des peintres Otto Dix et Francisco de Goya en témoignant de l’atrocité des champs de bataille. Le photographe semble parfois s’inspirer de scènes religieuses de par la complexité des compositions et les clairs-obscurs dramatiques : une descente de croix du Christ, par exemple, dans la célèbre photo d’un marine blessé aux jambes, soutenu par deux camarades durant l’offensive du Têt (Hué, Vietnam, 1968). Ailleurs, une Vierge à l’enfant, évoquée par une jeune mère chétive tenant péniblement son enfant mourant dans un simple drapé (Biafra, 1968).
 
Du travail essentiel de reporter photo sur les lieux de guerre à l’œuvre dramatique qui en résulte, McCullin est très clair sur la posture de l’artiste : lui est photographe, point. N’empêche. À la critique qui lui reproche souvent ses tirages trop sombres, il répondra que ses choix de tonalités jouent le rôle de témoin et de mode d’expression dans son oeuvre. Un choix assumé, en somme, et d’autant plus noble qu’il invite à son tour à une proximité avec le sujet. Chose certaine, dans les salles d’un musée, leurs qualités artistiques deviennent manifestes.
 
Caractère téméraire
Pour la petite histoire, Donald McCullin voit le jour en 1935 dans Finsbury Park, un quartier malfamé au nord de Londres. Ses tout premiers tirages témoignent déjà de la misère et de la pauvreté de son quartier et donnent le ton à ce qui le rendra plus tard célèbre. En 1954, il est envoyé au service militaire en tant qu’assistant photo au sein de la Royal Air Force. En 1958, il photographie les membres d’une bande de voyous, les « Guvnors », dans le quartier qui l’a vu naître. Quand le gang est impliqué dans le meurtre d’un policier, McCullin vend ses clichés à The Observer, ce qui lance inévitablement sa carrière de photojournaliste.
 
Il couvre sa première guerre civile à Chypre en 1964 ; une expérience bouleversante qui mettra toutes ses qualités humaines à l’épreuve et formera définitivement son caractère téméraire. En 1965, il rejoint le Sunday Times Magazine, avec qui il collabore exclusivement pendant 18 ans. Il rapporte ainsi successivement du Congo, du Biafra, du Cambodge, du Liban, de l’Irlande, du Bangladesh, d’El Salvador et du Moyen-Orient les images de guerre qui lui valent de nombreux prix, dont deux de la fondation World Press Photo. Don McCullin devient l’un des plus grands photographes de guerre de l’histoire.
 
L’écrivaine et critique Susan Sontag souligne la portée de son œuvre en introduction à la publication de la Maison européenne de la photographie à Paris (2001) : « Dans la grande tradition du photojournalisme, que l’on appelle parfois “photographie engagée” ou “photographie de la conscience”, l’ampleur, la franchise, le caractère intime, inoubliable et poignant du travail de Don McCullin n’ont jamais été surpassés ».
 
Depuis la fin des années 1980, ses plus récentes séries photographiques délaissent les champs de la mort pour les paysages bucoliques du Somerset, où il vit actuellement, en quête de paix impossible : « Parfois, quand je me promène dans les marais du Yorkshire, ou dans le Hertfordshire, le vent souffle sur les herbes et je crois entendre les gémissements des soldats le long de la route d’An Loc au Vietnam ».
 
Annie Lafleur

Don McCullin – Rétrospective
Jusqu’au 14 avril 2013
Au Musée des Beaux-Arts du Canada
380 Sussex Dr
Ottawa, ON K1N 9N4
Canada
Téléphone :+1 613-990-1985
Un catalogue d’exposition a été publié pour l’occasion.

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