Fondé il y a dix ans, le collectif Les Globules Noirs réunit trois artistes qui ont « grandi ensemble en photographie”. Aimant faire des images, les confronter et les faire dialoguer, Caroline Lusseaux, Andréa Wasaff et Céline Gobillard nous font entrer dans la création de La Résistance de nos corps à l’oubli, œuvre aussi intime que collective.
Quand et comment est né le collectif ?
Andréa Wasaff : C’était en 2015, ça va faire dix ans, il va falloir fêter ça ! On s’est rencontrées pendant un workshop de la Quinzaine photographique Nantaise.
Caroline Lusseaux : On commençait toutes les trois à prendre au sérieux la photo. L’envie de départ, c’était de se montrer nos images, d’avoir un regard extérieur, bienveillant, amical. Assez vite, on est allé faire des photos ensemble, on a fait naître des aventures collectives.
Andréa Wasaff : On faisait l’exercice de promenades photographiques toutes les trois : on prenait le train, on descendait n’importe où et on a commencé à mêler nos photographies, à dialoguer avec nos images.
Très rapidement, le travail a été réellement collectif.
Caroline Lusseaux : On vient chacune d’un monde un peu différent : Andréa du cinéma, Céline de l’écrit et de la danse, moi du graphisme. La photo c’est notre langage commun. On n’est pas un collectif avec des gros égos : notre objectif c’était vraiment de tout mélanger et de travailler ensemble du début à la fin. À tel point que parfois on ne sait plus à qui est telle ou telle image !
Céline Gobillard : Il y a deux jours, on s’est dit : c’est comme si on avait grandi ensemble en photographie.
Après une résidence de territoire ou un travail pour remettre en action un laboratoire photographique dans une maison de quartier nantaise, comme vous êtes vous lancées dans ce qui allait devenir La Résistance de nos corps à l’oubli ?
Caroline Lusseaux : C’était il y a six ans. On a commencé à s’envoyer des petits mots, des phrases, des citations, des images. L’une de nous envoyait une référence et toutes les trois on faisait des photos à partir de ça.
Céline Gobillard : Si l’une ou l’autre envoyait une chanson, ça pouvait évoquer quelque chose à une autre qui rebondissait, comme un cadavre exquis.
Une sorte de jeu artistique qui prend forme, en quelque sorte ?
Caroline Lusseaux : Au début, c’était juste un prétexte pour faire des images. Après, on s’est retrouvées et on a commencé à mettre ces images ensemble, à les confronter les unes aux autres.
Céline Gobillard : On a vu des thématiques qui ressortaient : la mémoire, les souvenirs, les corps, la famille, les traumas d’enfance. Comment se construire avec des souvenirs, des réminiscences qui reviennent à la surface. On a écrit un texte poétique à partir de tout ça qui est devenu la nouvelle référence pour faire d’autres images
Andréa Wasaff : Et le titre La Résistance de nos corps à l’oubli vient de ce texte, de ce moment-là.
Céline Gobillard : Ce processus, on l’a improvisé. C’est pour ça que ça a pris du temps. On a fait des images jusqu’à l’été dernier.
Caroline Lusseaux : On aime bien cette dimension d’expérimentation, d’improvisation.
Comment un projet comme celui-ci prend la forme d’un livre photo ?
Céline Gobillard : C’est encore une autre étape ! Quand Jérôme Blin et Gaëtan Chevrier des Éditions Sur la crête nous ont proposé d’éditer un projet, on leur a livré nos photos, notre corpus et eux ont composé encore autre chose.
Caroline Lusseaux : Gaëtan et Jérôme nous ont demandé de leur envoyer de nouvelles images et le projet a encore beaucoup évolué à partir de là.
Céline Gobillard : On était trois sur le projet et d’un seul coup on était cinq. Puis six, car on a aussi demandé à Aude Grandveau d’écrire des poèmes sur les émotions qu’elle pouvait ressentir en regardant les images.
Céline Gobillard : C’est ça ce qui nous a plu aussi : lâcher prise par rapport à ce qu’on avait pu envisager. Mais on était en pleine confiance parce qu’on se connaît depuis longtemps.
Caroline Lusseaux : Le premier corpus qu’on a présenté était uniquement noir et blanc. Gaëtant et Jérôme ont mis un peu de couleur, un peu de légéreté, un peu de lumière.
Andréa Wasaff : Si on avait édité nous-même le livre, ça aurait été plus sombre. Ils ont vu des choses qu’on ne parvient à voir que maintenant. Ils ont eu le recul qu’on avait du mal à avoir, même à trois.
Céline Gobillard : Quand on est trois, on peut aussi être face à des impasses. Donc lâcher prise et laisser à d’autres le sort de tout ça, ça fait avancer les choses. On a travaillé avec des gens proches, bienveillants, dont on connaissait les sensibilités. Quand Jérôme et Gaëtan ont mis en scène les images, on a été très vite d’accord avec eux. Sur les poèmes d’Aude, c’était exactement pareil. On est très heureuses de ce résultat et de ce travail qui a été collectif du début à la fin.
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