Le magazine photographique francais OPENEYE publie dans son numéro de fin d’année un portefolio de chacun de ses collaborateurs.
Celui de Marcel Boi, nous a particulierement séduit.
Le voici avec le texte de Jean Paul Gavard-Perret.
Marcel Boi : un certain sourire
Rien n’y fait : Marcel Boi ignore la météorologie favorable. Les vacanciers s’en soucient mais celui qui fait la pluie plus que le beau temps s’en amuse. Il caviarde tout ce qui pourrait renvoyer à une luminosité intempestive.
Est-ce que cela prouve que – comme l’auteur de ces lignes – Marcel Boi a horreur des vacances et des farnientes obligées ? En tout état de cause et quelle qu’en soit la racine existentielle d’un tel parti-pris, le grisé des images grise.
Le photographe cultive un art déceptif enjoué loin de toute nostalgie. Ce qui n’empêche en rien de captiver voire d’émouvoir mais aussi d’offrir un certain sourire. Par un mélange de réalité et de sa biffure Marcel Boi propose un travail impertinent de défiguation du paysage. Il vide partiellement l’espace de la gamme pléthorique des couleurs.
D’où une vision qui en isolant du soleil prouve que qui que nous soyons, nous sommes autant de partout que de nulle part. Et des bords de mer où à priori les poncifs visuels majeurs sont en place, l’absence le soleil, de l’eau et ses miroitements ne risque plus de nous brûler les yeux.
Marcel Boi ne succombe pas à l’attraction des paysages de rêve. Il ne vise qu’à en inciser un défaut dans la cuirasse par une déréalisation par filtrage. L’extase du monde passe par le fait de le laisser dans sa distance et d’éprouver en quoi cette distance peut parler.
A la place des images du monde se substitue donc une trame où l’humour garde toute sa place. L’œuvre défait des coalescences et ce qui était jusque là glorifié se dissipe. C’est une manière de renforcer et exaspérer le grotesque très discret des situations.
En ce sens les images drôles du photographe sont un poil pathétiques. Elles englobent l’être à son néant. Il faut donc rester en sa compagnie sur un tel seuil. Voir, de là, ces riens qui pour beaucoup sont pitoyablement et impitoyablement tout. On a envie de dire : bien fait pour eux. Mais une certaine charité chrétienne empêche une telle billevesée. D’autant que ceux qui sont là sont nos semblables, nos frères.
Jean-Paul Gavard-Perret
OPENEYE : https://fr.calameo.com/read/005143405a3c08cb8080e?