Une exposition Magnum Gallery à New York lève le voile sur les premières années de l’agence à travers une nouvelle sélection de photographies, actuellement visibles au National Arts Club et disponibles en ligne.
« New York, c’est un état d’esprit, une question de vitalité, de risques à prendre, de surprises. C’est une ville sexy, vibrante, belle, moche, déprimante », décrit Bruce Davidson à propos de la ville dans laquelle il habite et qui a inspiré certaines de ses images les plus emblématiques. Une nouvelle exposition, à la fois physique et en ligne, explore les débuts de l’agence Magnum à New York, et le travail réalisé à l’époque, donnant aux collectionneurs l’occasion d’acheter en ligne leur premier tirage Magnum.
D’après la légende, Magnum Photos a été créé par Robert Capa devant un magnum de champagne au MoMA, empruntant le nom à cette bouteille particulièrement généreuse. Les bureaux new-yorkais de l’agence ont ouvert en 1947 au 55 West 8th Street, tout d’abord sous la direction de Rita Vandivert, la femme du photographe William Vandivert. Il y a toujours des magnums vides en décoration dans le bureau, petit rappel de la boisson préférée de Capa. L’une d’elles se dresse sur une étagère à côté d’un jeune Elliot Erwitt posant avec sa première femme et leur bébé : un des premiers clichés de cette agence, signé Werner Bischof, et l’un de ceux qui ont été sélectionnés pour l’exposition.
La philosophie de l’agence, prônant l’indépendance des photographes, qui récupèrent les droits sur leurs images, a contribué à façonner un mode de relation entre les magazines et les photographes pour les décennies qui ont suivi. Le nombre d’adhérents n’a cessé de croître, à l’image des ambitions des fondateurs, incluant comme membres à part entière Eve Arnold, Cornell Capa, Elliott Erwitt, Burt Glinn, Erich Hartmann et Dennis Stock en 1954, suivis par Inge Morath en 1955, Bruce Davidson en 1958 et René Burri en 1959, parmi de nombreux autres durant cette décennie.
Elliott Erwitt, né à Paris en 1928 de parents russes, lui-même habitant de New York, a certaines de ses œuvres dans l’exposition qui datent de ses débuts chez Magnum, mais aussi avant qu’il rejoigne l’agence. Sa famille ayant déménagé pour l’Amérique en 1939, le jeune photographe a séjourné dans divers lieux, y compris Los Angeles, et a débuté sa carrière au milieu des années 40, voyageant avec son père qui importait des antiquités pour les vendre à la Nouvelle Orléans. L’écrivain Stuart Alexander dit qu’à ses débuts Erwitt était un photographe qui faisait preuve « d’une grande maîtrise des diverses situations d’éclairage » mais restait parfois « sur la réserve ».
« L’appareil photo qu’il utilisait pour ses premières images, un Rolleiflex carré à bi-objectif, était adapté à sa timidité », explique Bruce Davidson. « Il devait se baisser vers l’objectif à hauteur de la taille pour voir et photographier ce qui se trouvait devant lui, et cela lui permettait d’approcher les gens discrètement. Comme on peut le constater sur la planche contact de son fameux cliché d’un Chihuahua aux pieds d’une femme, il pouvait aussi poser son appareil par terre pour viser les pieds ».
Erwitt déménagea à New York pour un temps en 1948, avant de retourner faire un film en Europe pour le cinquième anniversaire du Débarquement. À New York, il gagnait sa vie en réalisant des portraits d’auteurs, des publicités et des piges journalistiques en plus de ses projets personnels, prenant la ville comme thème de base, et figurant la plupart du temps dans son travail.
Un autre New-yorkais qui allait signer chez Magnum au cours de la décennie suivante : Bruce Davidson, en 1958, attiré par Henri Cartier-Bresson, qui à l’époque était plus connu que Magnum. Alors qu’il était soldat, stationné à Paris, le jeune homme voulut montrer ses planches à Cartier-Bresson, et se mit en contact avec celui qui était alors l’éditeur de l’agence.
« Quelques semaines plus tard, je suis allé le rencontrer au bureau. Il a été très intéressé par mes prises de vue », raconte Davidson en se remémorant ses premiers échanges avec Cartier-Bresson. « Dans mon esprit, ce n’était pas Magnum, c’était Henri Cartier-Bresson. C’était une grande source d’inspiration pour moi quand j’avais 24 ans. J’ai étudié la façon dont il était habillé, d’un veston de chasse et d’un beau pantalon kaki. J’ai écrit sur le climat émotionnel de Magnum à ce moment-là. J’étais le jeunot. Inge Morath m’appelait « Brucie » ! Ils prenaient soin de moi. Avec Henri Cartier-Bresson, la discipline régnait. »
L’exposition, qui se déroule simultanément à la National Arts Club Grand Gallery de New York et sur le site de Magnum, associe des images classiques prises dans les années 50 par les membres permanents de Magnum (Bruce Davidson, Elliott Erwitt, Erich Hartmann et Dennis Stock), et des images d’archive du bureau de New York, mettant l’accent sur le fonctionnement de l’organisation et sa communauté de photographes dynamiques dialoguant avec la ville qui a servi de foyer à l’agence depuis sa fondation en 1947, et constitué une source d’inspiration toujours renouvelée.
On découvre également à cette occasion des tirages contemporains signés, avec sceau d’authentification, ainsi que des images montrant la ville et ses habitants : les portraits intimes des membres plein de jeunesse et d’arrogance, un gang de Brooklyn photographié par Davidson, James Dean à Times Square par Stock, le portrait fait par Erwitt de sa femme et de leur premier enfant, et le défilé de mode à Harlem immortalisé par Arnold…
Laura Havlin
Laura Havlin est responsable éditoriale du numérique à l’agence londonienne de Magnum Photos.
On and In New York
Du 27 mars au 29 avril
The National Arts Club
15 Gramercy Park South
New York, NY 10003
États-Unis
Cette exposition fait partie du programme des 70 ans de l’agence Magnum.
Exposition virtuelle :
https://www.magnumphotos.com/arts-culture/art/on-and-in-new-york-fine-prints-from-the-magnum-archive/
Vente Magnum :
https://shop.magnumphotos.com/collections/early-magnum-on-in-new-york-fine-prints