De Londres à Belfast en passant par Liverpool, des expatriés britanniques à ceux qui risquent leur vie pour traverser la Manche, l’Œil Urbain vous propose de découvrir le Royaume-Uni des années 1980 à l’aube du Brexit. Ce festival photographique de Corbeil-Essonnes se déroulera jusqu’au 19 mai ! Nous lui consacrons cette journée !
Calais est le dernier caravansérail, la dernière halte de la route migratoire avant l’Angleterre. Il a beau changer de nom ou de lieu, il ne disparaît pas. Les anonymes qui s’y retrouvent n’ont qu’un point commun : vouloir traverser la Manche.
En 2001, c’était le hangar de Sangatte. J’y ai rencontré Akbar et Dana lorsqu’ils préparaient leur passage. Akbar avait un charme fou. Petit Iranien trapu et enjoué, il jouait à la vie est belle avec son fils Meissam. Il contait une aventure extraordinaire en forme de jeu grandeur nature pour déjouer cette vie clandestine. Dana leur souriait. Elle s’occupait de Sunita, leur 2e enfant, nourrisson de 2 mois dont elle avait accouché en chemin.
En Iran, Akbar gérait une agence illégale de location de vidéos. Les films occidentaux n’ont pas plu aux mullah ; il a fui son pays natal. L’histoire de Dana et Akbar est une histoire d’amour bien plus folle que celles vendues dans ses films.
Akbar s’est arrêté en Roumanie et a rencontré Dana, étudiante en informatique à l’université de Bucarest. Il s’est converti au christianisme pour l’épouser et Meissam est né de leur union. Akbar n’a pas obtenu ses papiers alors le couple irano-roumain s’est pris à rêver de l’eldorado anglais. Six mois plus tard, ils atteignaient le dernier caravansérail français. Ils y ont passé 4 mois et fait des dizaines de tentatives de passage, Meissam et Sunita dans les bras. Une nuit, un passeur les a cachés dans une caisse métallique, sous le châssis d’un camion. Sunita est restée silencieuse, accrochée au sein de sa mère. Cinq heures plus tard, ils étaient passés.
Je les ai retrouvés dans la banlieue de Birmingham en 2002, construisant une nouvelle vie. Le rire était toujours leur arme. Jusqu’à aujourd’hui, Akbar a travaillé d’arrache-pied pour que Sunita et Meissam aient la meilleure éducation possible. Dana a étudié le droit et s’est investie dans des associations d’aide aux Roumains.
Quand j’ai voulu les revoir cette année pourtant, ils ont refusé que je les photographie. Leur rêve ne s’est pas brisé mais heurté à la réalité. Désormais citoyens britanniques, ils sont intégrés. Meissam est secrétaire médical, Sunita va entrer à l’université et Dana s’épanouit dans leur nouvelle société. Mais Akbar est moins à l’aise en Angleterre ; il ne fait qu’accumuler les petits boulots. Le couple parental a explosé. Akbar et Dana préfèrent surmonter cette épreuve avant que je les retrouve car ils ont l’espoir, toujours : « we will get better ».
Olivier Jobard – Le rêve anglais
Festival Photographique l’Œil Urbain
5 avril – 19 mai
Corbeil-Essonnes