Le 11e numéro de Fisheye est sorti en kiosque au mois de mars, on y trouve un dossier d’une vingtaine de pages sur la nuit, largement illustré par des travaux de photographes contemporains qui parlent de leur démarche nocturne… En contrepoint, une courte ébauche d’une histoire de la photographie de nuit vient mettre en perspective ces approches.
On trouvera aussi le portrait d’un jeune photographe de 24 ans, Raphaël Yaghobzadeh, symbole d’une génération qui s’interroge sur le photojournalisme ; un reportage sur l’origine et le fonctionnement d’Everyday Egypt sur Instagram, un portfolio inédit de Luc Choquer sur les femmes à Istanbul ; une enquête sur les pressions qui s’exercent sur les artistes et qui ont conduit à plusieurs décrochages d’œuvres ces dernières semaines ; plusieurs pages sur les nouveaux services offerts aux photographes, une incursion dans le service photo de l’Élysée, un reportage de Grégoire Korganow sur les prisons françaises ; un bilan du festival de la mode d’Hyères à l’occasion de sa 30e édition, un portfolio inédit de photos d’architecture de Matthias Heiderich ; et même une petite virée chez un poissonnier qui expose des photos au-dessus de ses sardines. Et bien sûr toutes les autres rubriques : Tumblr des lecteurs, Art vidéo, nouveau métier, projet Web, expositions, livres, test matériel, atelier photo, éducation, chroniques… Bref, de quoi envisager l’arrivée du printemps avec le sourire…
Son directeur de la rédaction, Benoit Baume, nous livre son édito :
Que la nuit nous emporte
Le noir. L’obscurité, les ténèbres, l’aveuglement, l’ignorance, voici de bien drôles de thèmes à rattacher à la photographie, celle qui consiste littéralement à écrire avec la lumière. La nuit, ce moment fantasmé où tout se transforme quand les craintes s’éveillent et les ombres effraient. La nuit, synonyme de la fête, mère de tous les désirs et matrice de la sexualité. Nous y sommes allés à pas de loup, puis vertement et avec éclat. Fisheye grandit et n’a plus peur du noir. Et finalement, ce qu’il y a de plus grisant repose certainement sur cette phase où tout se trouble, quand les frontières de la matière et du néant s’effritent. Dans ce déni de réalité, les vérités finissent par émerger. Les vérités sur les intentions de chacun, la nature réelle des auteurs que nous avons réunis dans ce dossier très éclectique, car personne ne possède la nuit, chacun tente d’y survivre.
Le rouge. Le crépuscule et l’aube, la mort et la renaissance éternelle, tellement convoitées par les gens d’images. Au moment où le soleil s’approche de l’horizon, la lumière traverse une couche atmosphérique plus dense et augmente la largeur de son spectre. La seule lumière transmise est alors celle des basses fréquences, le rouge.C’est dans cet instant magique que les choses se dévoilent. La nuit de la terreur qui vient de se manifester début janvier à Charlie Hebdo, à moins de 300 mètres de notre rédaction, nous montre à quel point les cauchemars peuvent nous faire grandir et nous éveiller à la nature tangible de notre société, aussi bien les crispations et la haine, que la solidarité et l’espoir.
Le vert. Tout va plus vite. Quand il fallait une heure de pose, voici quelques années, pour espérer capter l’esprit de la nuit, les appareils qui proposent des sensibilités de plus de 400 000 ISO permettent de voir comme en plein jour dans l’obscurité la plus complète. Pourtant, la nuit ne se laisse percevoir que dans la durée. Quand l’œil et nos sens s’acclimatent. C’est là que le regard capte l’indicible. Comme le rayon vert, qui ne se laisse percevoir qu’armé de patience et seulement pour quelques secondes. La nuit n’est pas affable.
Le blanc. La nuit, les lumières et leurs contrastes ressortent là où elles passent inaperçues le jour. Le modelé n’existe que dans l’ombre. Le contraste que dans l’obscurité. La photo n’existait que par le noir et blanc et leur danse harmonieuse. Cela n’a pas vraiment changé. Parler de la nuit, c’est parler d’un territoire bien plus propice à l’image que tout ce qu’on pouvait imaginer. C’est un voyage dans lequel il faut accepter de lâcher prise pour trouver les bonnes questions. Nous n’avons pas forcément les réponses, mais nous y avons trouvé du plaisir. Énormément de plaisir. Notre nuit n’a pas fini de vous surprendre. »
MAGAZINE
Fisheye #11
Sortie en kiosque le 10 mars
Bimestriel
124 pages
4,90 €
8-10, passage Beslay
75011 Paris