La photographe canadienne Kourtney Roy revient avec une nouvelle série sous forme d’ouvrage publié aux Éditions la Pionnière. Northern Noir : noir comme l’est la lumière des films de Melville. Ce sont là des histoires brèves, courts récits sans titre, des narrations composées d’autoportraits et de paysages, de natures mortes – qui se lisent comme le début d’autant de fictions – pour reprendre le titre de sa dernière exposition parisienne – indices mettant en scène une figure, une image, graves peut-être et lumineuses, de la photographe Kourtney Roy.
Northern Noir a été photographié durant l’été et l’hiver 2015 dans le nord de l’Ontario et de la Colombie Britannique, au Canada. Mon intention était de créer une série de plans fixes tirés d’un film de fiction inconnu, plus précisément, un film policier. Je voulais photographier les non-événements qui hantent les endroits où ont pu avoir lieu des actes de transgression. La banalité des scènes photographiées dissimule mais aussi fait allusion à la présence d’événements louches et criminels. Ces fragments captent des détails involontaires et marginaux. Leurs qualités banales et anecdotiques sont fétichisées et amplifiées, ajoutant un sentiment d’effroi à des scènes qui autrement seraient indifférentes et ordinaires.
La série a été réalisée au cours de plusieurs voyages par la route à travers le désert et les villes de ma jeunesse. J’ai choisi de réaliser cette série au Canada, parce que je voulais employer la dimension de la mémoire à l’œuvre afin de permettre aux images de fonctionner sur différents niveaux de sens. La facette de la mémoire, ma mémoire, réelle ou imaginaire, se lie aux mémoires d’écran du plan fixe. La route est non seulement un espace physique mais aussi un espace de l’imagination, un état d’esprit où passé et présent se réunissent. Ces images fixes d’un film sans nom se mêlent à l’aura d’un lieu et d’une heure spécifiques, liant l’inanimé et le personnel. Le fantôme de l’espace hante notre imagination.
Au sein de ces lieux familiers et ruraux que j’ai photographiés, je me suis utilisée comme personnage pour faire jouer l’aptitude du corps à l’improvisation et à la performance, afin de créer des perturbations étranges et inattendues au sein de scènes par ailleurs banales. Cette méthode photographique s’appuie sur les caprices du hasard: les “accidents” qui surviennent au cours des pérégrinations durant lesquelles je recherche des sites et des situations. Je m’utilise régulièrement comme protagoniste dans mon travail, ce qui permet une fragmentation littérale et une déconstruction de l’identité. La duplication et le redoublement de ces personnages est un acte de dissimulation et de déplacement ludique, qui révèle un sujet mouvant et intangible. Le résultat est que le récit et le sujet sont présentés comme des possibilités illimitées, une infinité d’anecdotes qui conjuguent réel et fantastique.
LIVRE
Northern Noir
Photographies : Kourtney Roy
Format : 33,5 x 24 cm, 64 pages sous couverture rempliée
ISBN : 978-2-908092-78-3
49 euros
http://www.lapionniere.com
http://www.kourtneyroy.com
