« La photographie est un processus collaboratif – comme une danse – et Norman en est le Fred Astaire. » Iman (extrait de Norman Parkinson, Portraits in Fashion par Robert Muir, avec un avant-propos de Iman)
La reine Elizabeth, les Beatles, Audrey Hepburn, David Bowie, et Twiggy furent parmi les nombreuses icônes et célébrités du vingtième siècle à être immortalisées par Norman Parkinson (1913 – 1990), l’un des photographes anglais de mode et de portrait les plus marquants de l’après-guerre.
Plus de soixante de ses clichés de mode élégants et merveilleux sont actuellement présentés dans l’exposition « An Eye for Fashion : Norman Parkinson Photographs, British Designers 1954 – 1964 » au M Shed de Bristol. Les photos ont été sélectionnées dans une collection de plus de deux cents images issues du portfolio Designers of British Fashion de l’Angela Williams Archive (AWA) ; beaucoup d’entre elles n’ont jamais été montrées auparavant, et sont exposées aux côtés de certains des ensembles de mode des années 50 et 60 que la photographie dynamique de Parkinson amenait à la vie.
Né Ronald William Parkinson Smith, dans le sud de Londres, Parkinson est d’abord photographe au tribunal de Mayfair avant d’ouvrir son propre studio en 1934 avec Norman Kibblewithe. Le magazine Harper’s Bazaar le recrute la même année pour réaliser une partie de ses illustrations et pendant les cinq années suivantes, il reçoit un salaire mensuel régulier de sa part, tout en acceptant de réaliser des portraits et des reportages pour d’autres magazines comme The Bystander.
Au début de sa carrière, Parkinson impose un style révolutionnaire, spontané et inventif, s’opposant aux poses très statiques de la photographie de mode et de portrait conservatrice qui domine à cette époque. Parkinson chamboule le monde de la photographie de mode britannique en étant un des premiers à emmener les modèles hors des studios et à les photographier dans l’environnement urbain, les encourageant à agir plus naturellement – il est un pionnier du style appelé « action realism » (réalisme actentiel), une tendance dans la photographie de mode qui a persisté jusqu’à nos jours, dans le travail de David Bailey par exemple. Parkinson réussit à rendre transparent tout le dur travail requis par chaque mission et développe ce qui semble être un style insouciant et débridé. Avec ces images décontractées et dynamiques, il produit une imagerie de mode totalement différente de ce qui a pu être fait jusque là.
Vers la fin de la Deuxième Guerre mondiale, Parkinson quitte Londres pour Manor Farm, dans le Worcestershire, où son travail commence à refléter le rythme et les réalités de la vie rurale. 1942 marque également le début de la longue association de Parkinson avec le magazine Vogue britannique, et 1949 celle avec son cousin américain. Parkinson est aussi l’un des premiers photographes de mode à utiliser la photo couleur qui en est vraiment à ses balbutiements à son arrivée à Vogue. Ces photographies inédites produisent une impression de modernité qui donne au Vogue britannique une identité neuve alors qu’il s’installe dans l’ère glamour de l’après-guerre qui se caractérise par des designs aux couleurs vives et une préoccupation de plus en plus sensible pour la mode au sein de la population et, plus particulièrement, des jeunes générations.
Les années 50 et 60 sont une époque-clé pour l’émancipation des femmes et les photographies flamboyantes de Parkinson capturent l’assurance grandissante des nouvelles générations de femmes et simultanément la célébration par le monde de la mode de cette indépendance fraîchement acquise. Ce qui fait de Parkinson un grand photographe, c’est son adoration et son admiration sincères pour les femmes ; ses clichés audacieux, plein de vivacité, révèlent avec tendresse son regard appréciateur pour le charme, l’intelligence et l’humour de la beauté féminine.
Avant de quitter son studio à Twickenham et de s’installer à Tobago en 1963, il est nommé éditeur associé du Queen Magazine alors que son contrat avec Vogue s’est terminé sur une dispute portant sur la propriété des négatifs des photographies qu’il a réalisées pour le magazine. Parkinson recommence cependant de travailler pour l’édition internationale de Vogue dans les années 70, durant lesquelles il travaille également en freelance pour de nombreuses publications mondialement reconnues. En raison de son appétit de travail et de son enthousiasme pour la mode et les voyages, il est appelé pour de nombreux projets spéciaux dans des endroits exotiques et il visite le monde entier avant de mourir tristement lors d’une mission en Malaisie en 1990.
Mesurant 1m96, portant une moustache et arborant des yeux doux dans un visage aux traits forts, Parkinson, ou Parks’ comme il préférait être appelé, pouvait être décrit comme un dandy anglais. Il avait une personnalité aussi charismatique que ceux qu’il était amené à photographier. Angela Williams, son ancienne assistante, le décrit comme quelqu’un de « patient », « attentionné », et « un homme simplement fantastique ». Son aura le mit sur le devant de la scène et joua sans doute un grand rôle dans sa célébrité ; professionnel irréprochable aux manières impeccables, Parkinson s’entendait facilement avec les gens et savait comment rassurer les personnes empruntées ou désarmer les vieux roublards.
Son succès, durant sa vie, était si considérable qu’il aida même de nombreux modèles à percer dans le milieu de la mode, parmi lesquels Celia Hammond, Jerry Hall, et Wenda Rogerson qui devint sa femme en 1947. Mais Parkinson n’était pas seulement admiré et apprécié du monde de la mode, il devint aussi un favori de la famille royale britannique pour laquelle il réalisa de nombreux portraits officiels.
Norman Parkinson soulignait qu’il était un photographe et un artisan, et non pas un artiste. Pourtant ses images modernes et dynamiques ont gagné une résonance artistique et historique significative, qui transcendent largement leurs intentions originales. Lauréat de nombreuses récompenses et membre honoraire de la Royal Photographic Society, Parkinson était l’un des photographes les plus en vue de son époque, ayant réussi à changer la face de la photographie de mode et en passe de devenir un prédécesseur influent, inspirant de nombreux artistes à venir. Sa carrière s’étendit sur plus de sept décennies et durant chacune d’entre elles, Parkinson se réinventa en tant que photographe. La qualité protéiforme de son style et son étonnante adaptabilité ont assuré la longévité de son travail. Que ce soit pour les séances de mode ou de portrait, dans un cadre urbain ou rustique, ses photographies techniquement sans défauts expriment toujours une certaine joie de vivre aussi bien que l’envie de Parkinson de rendre ses sujets beaux et glamours.
Les images de Parkinson capturent la couleur, l’ambiance, les sons et les odeurs de toute une période avec une justesse qui n’est accessible qu’aux grands photographes.
Mille mercis à Angela Williams de l’Angela Williams Archive, Kerrie Girst et Helen Hewitt du Bristol Museum & Art Gallery ainsi qu’à la Norman Parkinson Archive.
Anna-Maria Pfab
An Eye for Fashion: Norman Parkinson Photographs, British Designers 1954 – 1964 sera présenté au M Shed de Bristol jusqu’au 15 avril 2012.
Les événements suivants se tiendront en conjonction avec l’exposition :
Vintage Valentines 14 février, 20h00 (tickets à 8 £, réservations ouvertes)
Conférence du curateur, 25 février, 11h00
Discussion avec Angela Williams, 17 mars, 14h00
M Shed Vintage Weekend, 24-25 mars