Nick Hannes est né à Anvers en 1974, il vit et travaille en Belgique.
Il obtient son diplôme à l’Académie Royale des Beaux-Arts (KASK) à Gand en 1997. Pendant les huit années suivantes, il travaille comme photojournaliste.
En 2006, il cesse son travail de presse, afin de se concentrer pleinement sur ses propres projets documentaires. Empreinte d’une forte composante politique et sociale dans laquelle, l’humour, l’ironie, l’ambiguïté et les métaphores visuelles jouent un rôle prépondérant son approche photographique s’affirme alors. En 2010, Nick commence Méditerranée. The Continuity of Man, un projet épique qui a impliqué vingt voyages dans 21 pays méditerranéens sur une période de quatre ans.
Dans «Garden of Delight» il présente Dubaï comme le terrain de jeu ultime de la mondialisation et du capitalisme, et soulève des questions sur l’authenticité et la durabilité.
La transformation rapide de Dubaï, d’un pôle commercial régional dans les années 60 à la métropole ultramoderne d’aujourd’hui, est une étude de cas fascinante de l’urbanisation axée sur le monde marchand. Le divertissement et le tourisme sont les principaux piliers économiques de Dubaï. Le développement de cette industrie du divertissement excessive de Dubaï a grandement impacté la société émiratie, et la population de Dubaï est aujourd’hui essentiellement composée d’expatriés, seuls 10% sont des citoyens émiratis locaux, dont les valeurs islamiques traditionnelles sont remises en question par le mode de vie occidental importé.
Dubaï est aussi un exemple clair du phénomène de « capsularisation » caractérisé par la séparation et l’exclusion. À Dubaï, il y a d’un côté, un archipel d’îles protégées, les ‘capsules’ où il fait bon vivre et un autre monde, le reste : un océan de pauvreté et de chaos.
La série «Garden of Delight» a reçu le Magnum Photography Award en 2017 et le Zeiss Photography Award en 2018.
Rencontre/signatures, Paris Photo, Grand Palais, André Frère Éditions, stand SE 15
Vendredi 9 novembre à 15h & samedi 10 novembre à 17h.
« Nick Hannes aborde ce lieu des superlatifs avec l’attitude la plus détachée qui soit : sans programme critique, sans recherche d’exploitation abusive de ce que son sujet regorge en possibilités de prises de vues, de production d’images ébouriffantes. Le style de ses images se situe à équidistance des images de promotion, dont on ne sait plus parfois si elles ont pris la réalité pour modèle ou si elles ont été intégralement produites de manière artificielle sur écran d’ordinateur, tant l’usage de Photoshop en la matière est toujours caricatural, et des images produites avec une visée critique peut-être trop facile car tellement évidente. Le sujet est en effet trop beau pour tout photographe se voulant « critique » : c’est une mine de situations excessives et tout semble s’offrir à la moquerie, au regard dédaigneux, voire méprisant ou si facilement cynique. Toutes les recettes artistiques et théoriques ont été employées pour tenter de montrer Dubaï sous un angle critique. Mais Dubaï contient et génère d’elle-même les preuves de son absurdité, de sa radicalité arrogante, de son incompréhension des enjeux environnementaux.
Dubaï continue à se développer et se penser comme le show-room mondial de l’hypercapitalisme, en usant des ressources et des êtres humains qui la construisent comme s’ils étaient inépuisables. Dubaï ignore le concept d’anthropocène. Peu lui importe que nous soyons désormais entrés dans une nouvelle période d’extinction massive, peu lui chaut que les transformations accélérées du climat mondial mettent en péril sa propre existence. Car ses dirigeants sont aveuglés par la puissance financière dont ils disposent, constituée justement à partir de l’exploitation de l’énergie fossile sur laquelle notre civilisation s’est construite, dans une dépendance extrême et périlleuse au pétrole et à ses dérivés. Dubaï est le cœur du capitalocène, c’est-à-dire de la transformation des équilibres permettant la coexistence des formes de vie peuplant cette planète, depuis la première révolution industrielle et le déploiement hégémonique du capitalisme. Ce n’est pas l’être humain qui met en péril la vie sur Terre, mais un développement incontrôlé et non maîtrisé de son système économique. Cela, Dubaï ne peut pas le penser, puisqu’elle est l’hyperlieu du capitalocène.
Nick Hannes représente l’actualité du phénomène Dubaï en explorant chacun de ses lieux plutôt que de décrire ses structures urbanistiques et architecturales, qui nous sont désormais bien connues via tous les régimes scopiques dont nous disposons, y compris la vue satellite. Il représente la manière dont les êtres humains habitent ce paradoxal jardin des délices. Habiter le monde consiste à faire l’expérience de l’espace, depuis l’échelle de son propre corps jusqu’à celle des lieux les plus vastes, accueillant côte à côte une foule humaine, aussi diverse que la planète tout entière. Dubaï est avant tout un lieu de migrations, choisies ou contraintes ; choisies par les élites et leurs serviteurs qui viennent y faire fructifier leurs moyens et y dépenser leurs ressources – contraintes et subies pour celles et ceux qui y travaillent dans l’ombre, avec des conditions d’un autre âge, nous renvoyant au xixe siècle, dans une réinvention de l’esclavage post-moderne.
C’est cela que représente Nick Hannes, crûment mais sans forcer le trait : la co-présence de corps qui s’ignorent et participent tous ensemble au fonctionnement organique de la machine Dubaï. En quelque sorte, toutes ces situations qui nous font bondir dans la sidération d’image en image s’offrent d’elles-mêmes au regard descriptif du photographe. S’y figurent placidement la compulsion et la voracité des corps, mais aussi leur maladresse et leur fragilité dans leur capacité à habiter un lieu artificiel, qui serait aujourd’hui l’un des centres névralgiques d’une civilisation au devenir incertain.
Bienvenue dans le désert hyperréel du capitalocène ».
Pascal Beausse, extrait.
Nick Hannes, Garden of Delight
photographies : Nick Hannes
textes : Nick Hannes et Pascal Beausse
200 pages, format 20,5 x 27 cm + encart 16 pages – 89 images en quadrichromie
couverture à rabats – langue : français/anglais- ISBN 979-10-92265-77-4
sortie : 16 novembre 2018 – prix : 45 €