Ce article de Claire Guillot a été publié dans Le Monde daté du 4 octobre 2014. Merci à elle et à la direction du Monde qui nous permettent de le republier aujourd’hui.
Newsha Tavakolian juge que les nouvelles règles adoptées garantissent sa “liberté artistique”.
Est-ce la fin d’une longue polémique ? Newsha Tavakolian, lauréate du 5e prix Carmignac, est revenue sur sa décision de rendre sa récompense et sa dotation de 50 000 euros.
La Fondation Carmignac avait créé un fort émoi en décidant, le 9 septembre, d’ajourner l’exposition et la publication de son livre, sans en informer le jury, invoquant des pressions exercées par les autorités iraniennes. L’artiste iranienne avait contesté cette version et dénoncé l’interférence du financier dans le choix du titre de son projet et des images.
Alors que l’exposition du lauréat de 2013, Davide Monteleone, prévue à Londres à partir du 11 octobre à la galerie Saatchi, promettait de relancer la polémique, la Fondation a finalement tenté de résoudre la crise en invitant tous les membres du jury à se réunir en personne ou par vidéoconférence à Paris. « Il y a eu cette volonté de trouver des solutions », indique Sam Stourdzé, membre du jury et nouveau directeur des Rencontres d’Arles, dans les Bouches-du-Rhône, qui souligne que le jury « restera vigilant ».
M. Stourdzé, ancien directeur du Musée de Lausanne, avait déjà dû gérer l’interventionnisme intempestive d’un sponsor dans un prix en 2012, lorsque son mécène Lacoste avait exclu une finaliste jugée trop propalestienne. Le prix avait été annulé.
Du côté de la Fondation Carmignac, après des débats qu’on dit musclés entre les membres du jury et un mécène connu pour son fort caractère, les participants sont finalement tombés d’accord sur de nouvelles règles pour le prix : il a été décidé que le président du jury serait dorénavant aussi le commissaire général de l’exposition du lauréat. Une décision qui renforce de facto le pouvoir du jury.
Par ailleurs, il a été proposé que le commissariat du livre et de l’exposition de Newsha Tavakolian soit confié en 2014 à Anahita Ghabaian Etehadieh, galeriste iranienne et présidente du jury, et à Sam Stourdzé. Une proposition que s’est empressée d’accepter Newsha Tavakolian, éprouvée par la polémique : « La Fondation a fait un grand pas en avant, a-t-elle déclaré au téléphone. La seule chose que je demandais, c’est qu’on respecte ma liberté artistique. Et je pense que les changements prévus sont très positifs, pour moi, mais aussi pour les futurs gagnants du prix : ils se sentiront plus en confiance pour travailler. »
Le commissaire indépendant Christian Caujolle, membre du jury depuis le début du prix, se réjouit :« Le prix va pouvoir continuer, et permettre de nouveaux travaux d’enquête documentaire, alors que les photographes ont du mal à trouver des financements. »
Après cet apparent happy end , il reste à voir si le prix Carmignac gardera la confiance des photographes et des membres du prochain jury, déjà nommés. L’un d’entre eux a confié au Monde avoir été refroidi par l’épisode et réfléchir à sa participation. Le prochain prix Carmignac récompensera un projet consacré aux “zones de non-droit en France”.
Claire Guillot pour Le Monde