Pendant huit ans, au rythme patient de la compassion et de l’intimité, Carlos Javier Ortiz a suivi a Chicago et Philadelphie « les familles dont les histoires ont été modelées – ou remodelées – par un seul coup de feu », pour reprendre les mots d’Alex Kotlowitz en introduction de l’ouvrage. Publié sous le label Red Hook Editions, une communauté d’édition plutôt qu’une maison d’édition au sens classique du terme, We All We Got s’inspire de la résilience perturbante des jeunes face a l’omniprésente violence qui les entoure. Pour rendre hommage à ceux qu’ils ont perdus dans une détonation, ils dansent, bien souvent. « That’s what the mind does for us. […] In the midst of all the violence, surrounded by boarded-up buildings, it’s like they’re saying: We’re not gonna let this messy situation stop us from celebrating and being. They’re living their lives – and they’re enjoying what life has for them», explique le photographe. C’est cet angle, celui d’une réalité moins caricaturale que les autorités ne voudraient la décrire, que Carlos Javier Ortiz a aiguisé au cours des années passées a documenter les banlieues américaines de son enfance. « I sat in school next to a kid who ended up killing a security guard as part of his gang initiation. He was a kid that I barely knew. He was Puerto Rican, like me. And he killed another person of color», se souvient-il.
Il connaît de près cette situation paradoxale où, pour ceux qui la vivent, « il est normal qu’un garçon de 14 ans soit tué d’une balle sur son perron », martele Luke Anderson en fin d’ouvrage. Enseignant et activiste dans le domaine de l’éducation urbaine à Chicago depuis près de dix ans, Anderson met en garde :
« We cannot continue to look at violence in our communities as strictly a “youth problem.” It is a societal problem that won’t be solved by isolated, feeble attempts at re-education or training. Everyone must take responsibility. »
Engagé depuis ses débuts dans les problématiques sociales, Carlos Javier Ortiz a pris ses responsabilités. Son livre, assorti d’une exposition au Bronx Documentary Center, New York, déploie l’étendue du problème. Il donne la parole aux familles de victimes, aux rescapés, aux spécialistes, et réunit en images police, jeunes, familles, religion, politique, tous ceux qui ont un rôle à jouer. Il s’adresse à tous, dans l’espoir que ne se concrétise pas la prophétie de Coree Parks, dont le fils a été tué en 2012, alors qu’il avait 21 ans :« The one thing that I hate is that I am not the only mother that will have to exchange her old shoes for some new ones. »(NDLR : her old shoes is a metaphor for her old life, when her son was still alive.) Pour cela, Carlos Javier Ortiz a choisi l’atemporalité du noir et blanc. Puisque le problème est si vaste qu’il serait vain d’en faire un inventaire exhaustif, il s’est efforcé de brouiller les repères de temps et de lieu, sans pour autant perdre une once d’intimité.
LIVRE
We All We Got
Photographies de Carlos Javier Ortiz
Textes de Alex Kotlowitz, Tonya Burch, Maria Ramirez,
Coree Parks, Frederick Dennis, Elijah Anderson Ph.D., Luke Anderson
Red Hood Editions,
$50.00 USD
EXPOSITION
We All We Got de Carlos Javier Ortiz
Jusqu’au 22 mars 2015
Bronx Documentary Center
614 Courtlandt Avenue
Bronx, NY 10451
http://www.carlosjavierortiz.com
http://cargocollective.com/CarlosJavierOrtiz/We-All-We-Got-book
Notes trad. :
« families whose narratives have been shaped— or reshaped—by a single gunshot. » Alex Kotlowitz
“My students think it is normal for a 14-year-old boy to be shot and killed on his front porch. “