Oppressante, l’installation de Santiago Sierra à la Team Gallery consiste en 9 photographies grandeur nature de vétérans de guerre tournant le dos à l’audience, littéralement mis au coin. Dans son travail, l’artiste multiplie les dénonciations littérales, utilisant des références simples et évidentes et jouant de la confrontation spectaculaire au public afin d’exprimer son opposition à la situation sociale et politique. Les titres ou les installations qu’il choisit expriment son engagement, qu’il s’agissent des « travailleurs payés pour rester dans des cartons », du « classement des travailleurs selon leur couleur de peau », des « dents des derniers Gypsies de Ponticelli », des « 300 armes » ou des portraits des présidents de la démocratie espagnole suspendus à l’envers sur le toit de berlines noires circulant comme un cortège funéraire dans les rues de Madrid. Il utilise des éléments clairs, distinctifs, souvent récurrents, qu’il met en scène de façon généralement sensationnelle, envahissant si possible l’espace public. La technique n’est pas privilégiée, mais l’effet. Ici notamment, les photographies réalisées à l’occasion de performances dans différentes villes du monde ont parfois tant de grain qu’elles semblent peintes. En revanche, leur taille, leur répartition sur les murs qui encerclent le visiteur et leur évidence symbolique suscitent une compréhension immédiate. Les vétérans, punis de la société, coupables de leurs actes et de la violence internationale par procuration, rejetés, incapables de se réintégrer. Leurs mains évoquent tantôt l’embarras, tantôt la confiance, tantôt la rigueur. Le spectateur est tenté de lire les signes d’une émotion dans leurs postures puisque leurs visages sont cachés. Au coin, mais également face à un mur blanc, celui d’un avenir barré et pourtant immaculé : à la fois bourreaux et victimes, en attente d’un verdict laissé à chaque visiteur.
Laurence Cornet
Santiago Sierra, « Veterans »
Exposition jusqu’au 25 mai 2013
Team Gallery
83, Grand Street
New York NY10013
USA