La désolation peut soulever une vague d’angoisse. Les évocations de la destruction sont ici à fois littérales et subconscientes. Dans leurs expérimentations, les mains de l’homme altèrent inexorablement l’état du paysage et de notre planète.
Et les effets de telles actions sont invariablement éternels.
La nouvelle série de Nadav Kander ainsi que son ouvrage, DUST (POUSSIÈRE) forment une étude ce type d’espaces. On trouve en Russie des villes « fermées » où ont eu lieu des essais atomiques (à Kurchatov) ou des tests militaires (à Priorzersk), ainsi que la Mer d’Aral, où les effets de certaines décisions humaines se déploient en silence tels des doigts vénéneux. L’état et l’ampleur de ces terres racontent des histoires. Kander porte sur elles un regard esthétique et passionné. Ses photos parlent de beauté et de décomposition.
Sans paraître archaïque ou nihiliste, tout se dirige vers l’entropie. Et cette marche va de pair avec l’impression que « La Fin » est là, représentation dépouillée d’un processus beaucoup plus dynamique et passionnant. Qu’est ce qui vient ensuite ? C’est un mystère. Les photos de Kander apportent certains éléments de réponse. Il n’y a ni mort ni fin, mais une absence d’ordre et de prévisibilité. Ce qui a été devient vaste et monotone dans la toundra de ces sites russes cachés. Les immeubles, les choses, les lieux, qui avaient été construits dans un but précis, ont été détruits. Et dans leur isolement, ils ont évolué.
Ces paysages disent la contrainte et la défaillance. A travers l’objectif et le traitement de l’image, certains secrets révèlent l’histoire endurée. Kander ennoblit cette mission photographique. Les coquilles vides d’architecture visibles sur ces photos jouent avec la nature de la terre. Elles comblent. Kander ne cesse de rappeler le tic-tac de son compteur Geiger, gadget nécessaire qu’il emportait toujours avec lui quand il allait prendre des photos. Les épreuves vécues par les gens vivants sur ces sites ont engendré une dystopie incroyable, étonnamment photogénique. Pour le dire simplement, au-delà des mots, dans leur sublime désolation, les images s’avèrent d’une beauté absolue.
La lumière semble inexorablement toxique, impitoyable, refroidissant les nuages d’une sorte d’acide vert fluorescent. On ne regarde pas ces photos : ce sont elles qui nous menacent. Elles portent en elles quelque chose de lointain – comme une fatalité – même si ça n’est qu’une ruse ou de la poésie. Le gris n’est plus l’ennemi de l’art, ni la poussière, si souvent honnie dans ce domaine. La cendre est capitale dans les photos de Kander, reflet monstrueux de l’histoire des lieux. Ici, pas de politique, mais de la géographie – verticale – : des morceaux jaillissent pour croître dans la neige et affleurer tels de nouveaux bourgeons.
Le rapprochement entre l’effondrement et la résurrection est primordial. Le paysage est-il en train de renoncer, ou de céder ? Le poids et le catalyseur de ces émotions nous informent sur ce que nous sommes en train de regarder. Les photos laissent le spectateur intérioriser le récit. Elles sont lourdes et bouleversantes, mais nous apportent beaucoup.
EXPOSITION
DUST
Nadav Kander
From April 7th to May 7th, 2016
Flowers Gallery
529 West 20th Street
New York NY 10011
Etats-Unis
T: +(1) 212 439 1700
http://www.flowersgallery.com