La galerie Jack Shainman prend la relève de l’exposition de Malick Sidibé au musée du Vassar College de Poughkeepsie, dans l’Etat de New York , qui déploie par ailleurs une impressionnante collection composée comme une histoire chronologique de l’art en spécimen unique, comme un musée miniature. Chaque œuvre est choisie pour sa possibilité de représenter un courant, une époque, un pays, une histoire, un maître. Un buste pharaonique de la Haute Egypte cotoie un Boudha, on remonte dans le temps par un estampe japonaise avant de pénétrer dans une salle offrant un inventaire des grands peintres du XXe siecle. Ernst, Picasso, Rothko, Pollock, tous défilent, suivis par les romantiques, leurs paysages et profondeur qui tranchent avec les fresques médiévales démunies de perspective d’une autre salle.
La collection permanente vaut le coup d’œil à elle seule, et l’exposition de Malick Sidibé offre une raison supplémentaire de se rendre « Upstate », mais tout est également a voir pendant un mois supplémentaire à la galerie Jack Shainman de New York. Le photographe de studio malien est si connu que sa collection personnelle est épuisée, mais il n’en reste pas moins quelques trésors réprésentatifs de son sens de la composition — reposant essentiellement sur les motifs —, et de la vie quotidienne et festive du Mali dans les années 60 et 70. Ce sont les décennies pendant lesquels Malick Sidibé était le plus actif — si actif qu’il engageait des photographes signant sous le nom Malick Sidibé —, et celles où la douceur de vivre était si brûlante qu’elle se dégage de chaque image. Les photographies sont en noir et blanc, mais les motifs tranchés ont la vivacité des couleurs. Entre les sourires et les bières haut levées, la joie règne dans les photographies de soirées que Malick Sidibé appelle, en prenant soin de franciser l’expression, « partie ».
Le lendemain de ces soirées, il imprimait chacune de ces images dans un petit format de prévisualisation et les exposait devant sa boutique dans des chemises cartonnées pour inciter les gens à acheter leur portrait. Ces chemises sont exposées sur les cimaises comme elles l’étaient dans les rues de Bamako en 1960, sans editing, prêtes à endosser leur rôle de souvenir. Et à défaut d’avoir alimenté la mémoire personnelle des bringueurs portraiturés, elle nourrit celle d’une époque. Et ce, au même titre que les cadres peints à la main, colorés et fleuris à outrance, dans lesquels sont vendues les portraits.
Au-dela de leur valeur documentaire, ce qui est rare dans les portraits de Malick Sidibé, c’est qu’ils provoquent non pas un sourire mais un éclat de rire, un éclat de joie — tout comme les photographies de Douglas Gordon sont parmi les rares à faire rouler des larmes. C’est précieux.
EXPOSITION
Malick Sidibé
Jusqu’au 26 avril 2014
Jack Shainman Gallery
524 West 24th Street
New York, NY 10011
USA