Impossible, en parcourant les photographies de cet ouvrage, de ne pas s’interroger sur l’état de la vie nocturne new-yorkaise. Dans New York at night, nous replongeons dans les plus folles années de la mégapole américaine. Celles du siècle passé surtout, celles des soirées extravagantes et de son glamour suranné, lorsque ses habitants avaient fait de l’adrénaline une religion et la promiscuité un art de vivre. Un New York extrême, où se mêlent également danger, solitude, et une certaine brutalité de l’existence.
Aussi, il faudra débuter ce voyage dans le temps en prenant le pouls de ses rues et de son architecture autoritaire plongée dans le noir. « L’histoire de la nuit dans la cité moderne est essentiellement une histoire de lumière, et non d’obscurité – ou plutôt une histoire de lumière dans l’obscurité », écrit l’auteur Adam Gopnik. A travers les célèbres images de Berenice Abbott, Paul Haviland ou Walker Evans, on comprend que New York est une ville qu’il faut approcher avec caractère, une ville qu’il faut savoir regarder de haut si l’on veut survivre et ne pas se laisser bouffer. On y vient en voulant l’illuminer.
Cette lumière, la faune new-yorkaise la trouve principalement à Manhattan : dans l’antre des cabarets de Broadway, dans les halls des hôtels de légende – le Waldorf Astoria, le Plaza, le Chelsea – ; dans les boites de nuits branchées de l’époque – le Copacabana, le Cotton Club, le Studio 54, le Boom Boom Room – ; et dans tous les endroits planqués des quartiers à l’époque malfamés – Soho, Time Square, le Village, Chinatown, Harlem. On s’y presse pour boire et danser toute la nuit, presque jusqu’à en mourir. Et plus d’une fois, en abusant de toutes les substances possibles ou en s’exposant au vice, on y laisse sa peau, faisant en même temps le bonheur de Weegee ou de ses acolytes paparazzi. Si l’on est un simple fêtard, on termine, dans le pire des cas, allongé, exténué, dans un escalier ou au coin d’une rue dans un moment isolé et immortalisé par Larry Fink ou Dennis Stock.
Ce sont bien les excentricités qui ont fabriqué le mythe de New York, et par la même occasion la renommée de ses photographes. Ryan Mc Ginley et Nan Goldin ont fait de la débauche un sujet d’art, mais sans s’y être donné eux même, leurs photographies manqueraient sans doute de saveur. Dans l’introduction de son livre, imaginé au milieu d’une nuit « incandescente », Norma Stevens parle de certains artistes – Andy Warhol et Lady Gaga en particulier – comme de gens « enragés et délirants qui se battent contre la mort de la nuit ». Ces pages mêlent leurs expériences dévergondées, les diners qui s’en inspirent, les regards de ceux qui y gouteront, les visages de ceux qui y ont trop gouté, tous captés après que le jour soit tombé. La légende veut encore que New York soit une ville de fêtes et de mondains sans limites. Il y a dans ces photographies des éclats de rire et des attitudes qui ne trompent pas. Peut-être cela ne tient-il plus qu’à un verre.
Jonas Cuénin
New York at night, Photography after dark
Edité par Norma Stevens et Yolanda Cuomo
Textes de Pete Hamill, Adam Gopnik, Vince Alletti et Patricia Marx
Parution en décembre 2012 et publié par powerHouse Books
192 pages
ISBN : 978-1-57687-616-9
$125.00