Nature Morte est l’une des meilleures galeries pour la photographie et plus largement l’art contemporain à Delhi. Rencontre à la galerie sur Niti Bagh près de Gulmohar Park, avec son directeur, Peter Nagy.
Quelle est l’histoire de la galerie ?
P. Nagy : Je suis venu en Inde pour la première fois en 1990. En 1988, je ferme ma galerie à New-York et décide de venir m’installer à Delhi. J’assure le commissariat de l’exposition « India: Celebration of Independence, 1947-1997 » pour l’Inde. A l’époque, j’organisais aussi des expositions dans plusieurs lieux de Delhi.
La peinture moderne et contemporaine commence à rencontrer son public dans les années 90 en Inde. A cette époque, le marché de la photo n’existe pas car la photo n’est pas considérée comme un art à part entière. C’est à partir de 2003-2005, que les galeries commencent vraiment à la montrer.
De mon côté, j’expose dès 1999 Dayanita Singh avec Family Portrtaits, Pushpamala N. en 2003 puis 2005 avec Native Women of South India, Bharat Sikka en 2005 (Space-in-between) puis 2009 (The Road to Salvador do Mundo) et en 2012 avec Matter.
A partir de 2003, j’ouvre mon propre espace ici, sur Niti Bagh, en plein cœur de Delhi. J’expose avant tout des artistes confirmés, qui ont une reconnaissance internationale. Je laisse la découverte de jeunes talents aux autres galeries.
Que pouvez-vous nous dire du marché de la photographie en Inde ?
P.N : Aujourd’hui, il existe un réel marché intérieur en Inde pour la photographie, et ce marché a connu une forte croissance de 2003 à 2007. Depuis, la crise a touché l’Inde et le marché s’est retourné. Il est aujourd’hui difficile de vendre de la photographie même si les prix ne sont pas ceux de la peinture ou de la sculpture.
Et puis les collectionneurs restent encore très conservateurs et recherchent avant tout de « jolies photographies ». De ce fait la photo de paysages trouve un vrai public. Les collectionneurs ont par exemple adoré le travail de Bharat Sikka The Road to Salvador do Mundo sur Goa. Dream Villa ou les photos d’intérieurs historiques de Dayanita Singh ont aussi reçu un très bon accueil. Ils sont en revanche moins intéressés par les portraits. Pourquoi acheter des photographies de personnes que l’on ne connaît pas ? Voilà ce qu’ils me disent !
Et ailleurs ?
P.N : Il y a aussi un réel marché en Europe pour la photographie indienne. Il faut dire que depuis plusieurs années, les musées et les institutions culturelles européennes ont organisé de nombreuses expositions autour de l’art contemporain et la photographie indienne. A Manchester en 2002, à l’école des Beaux-Arts à Paris en 2005, aux Rencontres d’Arles en 2007, à Barcelone et à Vitoria pour une exposition sur le portrait dans la photographie contemporaine indienne en 2009, à la Whitechapel Gallery de Londres puis au Fotomuseum de Winterthur près de Zurich en 2010 pour un grande rétrospective sur 150 ans de photographie en Inde, au Pakistan et au Bangladesh. L’année dernière au Centre Pompidou pour Paris-Delhi-Bombay et à Londres, Oslo, Lyon pour une exposition itinérante ; Indian Highway. Cette année à l’Arken Museum de Coppenhague. Bref, les photographes et les artistes indiens sont largement diffusés en Europe où les galeries les représentent aussi individuellement.
Enfin, il existe également un marché en Extrême-Orient pour la photographie indienne. En Corée, à Singapour, à Taiwan, au Japon ou en Australie. La diaspora indienne est active dans ces pays et achète de l’art indien.
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P.N : Dayanita Singh représentera l’Allemagne à la prochaine biennale de Venise.