Depuis cinq ans, en marge du prix de photojournalisme, Estaçao Imagem décerne une bourse récompensant un travail dédié à la région de l’Alenteijo (Portugal). Cette bourse est née des relations étroites entre la ville de Mora, dans l’Alenteijo, et Estaçao Imagem. Cette année c’est Album de famille, de Nelson D’Aires, qui est présenté.
Nelson D’aires s’est penché sur le travail d’un photographe portraitiste du siècle dernier, Antonio Gonçalves Pedro. Installé dans la ville de Mora, le photographe tenait un studio : pendant de longues années, il photographia ainsi les habitants de la ville, sans se préoccuper de la postérité.
En découvrant ces archives, Nelson D’aires prend conscience de la valeur historique de ces portraits. Il tente alors de retrouver ces visages du passé dans ses propres portraits. Son travail met en scène les codes des anciens portraits : ce sont des images posées, prises au flash dans une solennité qui rappelle celles d’antan. Mais ce ne sont pas des doublons. Le portrait est joué comme une marque de fabrique mettant en scène les codes de ces anciennes images sans chercher à en faire une reproduction actuelle. D’ailleurs, une juxtaposition de l’image originelle et de la nouvelle photographie les doutes. Certaines d’entre elles sont même présentes dans leur contexte d’album. Les photographies sont accompagnées de légendes sur l’état actuel des choses: où sont ces gens, que sont ils devenus, qu’elles sont leurs liens les uns avec les autres, pourquoi étaient ils portraiturés. C’est donc un long travail de recherche qui s’est mis en place, afin de pouvoir construire un dialogue entre passé et présent.
Car l’album de famille c’est aussi, au-delà de l’archive, cette petite histoire qui est celle de tout un chacun. Ce temps où l’on omettait pas de ranger chaque image l’une à cote de l’autre: ces images sont pourtant différentes de celles du photographe car leur caractère de figurante d’album les oblige au recadrage, à la précision, au bordures droites…
Ce n’est donc pas seulement un regard en arrière, un bout de photographie jaunie que l’on pose sur un décors nouveaux. C’est une recherche, une enquête dans le monde d’un photographe de ville (qui étaient si nombreux il fut un temps), dans sa vie et ses habitudes de travail, mais aussi dans celle de ses modèles. C’est une réflexion sur nos images et sur les liens qui se distendent malgré elles. Beaucoup de ces images se retrouvent aujourd’hui dans les marchés aux puces, où les photos de famille abandonnées attendent un regard compatissant pour sortir de leurs boîtes…Ici au contraire, elles sont mises à l’honneur et reconsidérées malgré l’anonymat total de ce photographe. Alors que le vernaculaire suscite de plus en plus d’intérêt de la part des institutions, ce travail n’essaye pas de mettre en valeur un aspect « extraordinaire » d’un quotidien passé. En plus d’apporter un éclairage à un fonds inconnu, il lui rend un peu de vie.
EXPOSITION
Nelson D’Aires: Album de Famille
Estaçao Imagem-Bourse 2012
Jusqu’au 31 mars 2014
Galerie Torreao Nascente da Codoaria Nacional
Av da India
Lisbonne