Là-bas, où règne le silence
La photographie est ma « zone », où le silence règne, où le temps s’est arrêté.
Quand je photographie, je vais au-delà des barbelés, de la guérite des gardes, de la dernière lumière sur l’asphalte.
Quand je photographie, je deviens une harceleuse, j’entre sans m’en rendre compte dans la zone d’aliénation, comme dans une fièvre, je suis le désir, je scrute le hasard, la vie, le destin. Je m’immerge dans le mystère, et j’oublie.
Il regarde dans mon visage pour la dernière fois tout ce que je perds et s’en va.
Tous les voiles s’enlèvent, les plâtres anciens, je vois enfin.
Lorsque je photographie, c’est comme si je revenais à la vie, plus je touche les cendres et le vent, et lorsque j’entre dans les ténèbres du labyrinthe et les profondeurs du marais, un feu s’élève vers moi, mais je ne reviens pas, il n’y a plus de temps.
Je me rends presque toujours compte, et je ne saurais dire si dans les paysages dans lesquels je me perds, il s’agit de lieux ou de visages, de figures, et, ensuite, dans les photographies, que je me trouve face, à chaque fois, à quelque chose d’à la fois familier et inconnu, comme si ces lieux, ces figures, ces visages, avaient toujours fait partie de mon paysage le plus profond, et en même temps, je les vois pour la première fois, comme des lieux rêvés, des figures et des visages inconnus. Quand cela se produit, je sens qu’un petit miracle s’est produit, je sens que c’est une « bonne photographie » qui a réussi à pénétrer « un temps intemporel pour développer à l’infini la poésie du regard qui est pour moi, forme et signe de l’inconscient ». Comme une fatalité, à travers une blessure, cette photographie se détache douloureusement de moi et s’approche pour me capturer, comme dans un processus inverse à la prise de vue, dans le mystère insondable de son apparition…
Nella Tarantino