“I am Unbeatable” est le prolongement d’un projet sur la violence domestique publié en 1991 par Aperture sous le titre “Living with the Enemy” et poursuivi depuis sans relache. Donna Ferrato est une force émotionnelle, féroce de liberté, imbue d’indépendance, dédiée corps et ame a la cause féminine avec la photographie comme plaidoyer – cela n’en fait pas une féministe au sens traditionnel du terme pour autant. Au festival Look 3, en 2012, elle parlait ouvertement de sa sexualité débridée, dont elle a constitué un corpus visuel plus passionnel qu’érotique. Quand elle capture des scènes d’orgie, sans pudeur ni voyeurisme, c’est une éloge des relations libérées, consentantes, et c’est cette notion qui est au cœur de son combat contre la violence domestique. « Du plaisir a la douleur », écrivait James Estrin dans leNew York Times il y a trois ans a propos du travail de Donna Ferrato. Les scènes de violence, elle les capture avec la meme impossible intimité, parfois si proche de son sujet qu’elle disseque la peur et la rage dans leur crudité nue. Dans son éprouvant pamphlet, elle s’attache a décrypter la psychologie masculine et a portraiturer les femmes dans un instant qui supplante le présent et laisse entrevoir leur possible futur. Comme le formule délicatement Pedro A.H. Paixão, éditeur invité du dernier numéro de New Observations – le magazine a publié un émouvant essai d’Isabella Rodriguez accompagné des images de Donna Ferrato – c’est leur caractere prémonitoire qui fait la puissance de ces photographies. Dans les larmes qui noircissent les joues de Janice brillent la lueur d’un avenir émancipé de la menace quotidienne. Ruth, défigurée par les coups de poings et de téléphone qui ont gonflé ses pommettes et encerclé ses yeux de pourpre, se tient dehors, libre, le regard lourd mais déterminé que l’on retrouve chez Sarah, « finally free of abuse », in 2012. Une photo mythique de Donna Ferrato est l’une de ses premières, datée de 1982, de Garth assénant a Lisa une gifle a dessouder la tete. La photographe est a moins d’un metre de l’agresseur, on voit son reflet dans le miroir qui décompose la scene sous tous les angles. Si elle est restée, cette image, c’est non seulement pour son incroyable proximité, mais également parce que la démarche de la photographe repose sur cet effet miroir, sur le reflet positif qu’elle renvoit aux victimes et aux autres d’elles-mêmes.
EXPOSITION
I am Unbeatable, de Donna Ferrato
Jusqu’au 4 décembre 2014
Vanderbilt University Fine Arts Gallery
Cohen Memorial Hall, Peabody Campus,
1220 21st Avenue South
Nashville, Tennessee
www.vanderbilt.edu/gallery
http://donnaferrato.com
http://www.iamunbeatable.com
http://newobs.org