Abat les masques !
Avec le Covid, le temps s’est arrêté. L’horizon si vaste est devenu ténu.
Plusieurs milliards d’individus de différents pays se sont retrouvés confinés en même temps. Dépendants d’autorisations de sorties, de laissez-passer pour circuler, sésame qui permettait de pointer son nez dehors. Un court instant.
Et quelle frustration… plus de reportage à l’autre bout du monde.
Le quotidien s’est transformé en un périmètre défini d’1 km autour de chez soi.
Pour ma part, comme journaliste, j’ai eu la chance d’avoir une sorte de laisser passer… ma précieuse carte de presse, qui m’a permis de vadrouiller à scooter, dans les rues vides de Paris.
J’ai alors découvert un autre Paris.
Une ville devenue silencieuse, plus belle et dans laquelle la nature commençait tout doucement à reprendre ses droits. Une vie en suspens, sans voiture, ni pollution, des boulevards paisibles, une impression d’être à la campagne en entendant à nouveau le chant des oiseaux … Certaines villes de banlieue, on même vu des cerfs étonnés, arpenter le bitume.
Parfois, j’ai croisé un individu pressé, un autre photographe ou un policier. Parfois, une famille, qui faisait jouer les enfants une heure au soleil avant de s’enfermer de nouveau.
Puis, sont arrivés les masques.
D’abord la pénurie de masques, provoquant des bras de fers entre les pays jusqu’aux tarmac des aéroports. Alors, avec frénésie, tout le monde s’est mis à les fabriquer soi-même, en tissu, en slip sur la tête, à s’échanger des modèles et des tutoriels.
Puis, il y en a eu de plus en plus, accessoires obligatoires de notre quotidien devenus symboles de l’épidémie.
De plus en plus de masques et de gants ont jonché le sol. Abandonnés à eux-mêmes.
Alors je me suis mise à les immortaliser. À faire des photos graphiques, voire artistiques.
Car ces masques perdus sur les trottoirs nous racontent une partie de notre histoire, cet instant où toute l’humanité s’est mise à vivre le même drame, au même moment.
Nadia Ferroukhi
