De 2024 à 2025, le Musée National de la Photographie de Rabat nous convie à une expérience immersive et poétique, avec une rétrospective inédite de l’œuvre de Reza. Intitulée « L’Odyssée Contemporaine de Reza », cette exposition nous plonge dans un voyage visuel, inspiré par la grande tradition soufie et persane, du mythe de la Conférence des oiseaux du poète Attar.
À l’instar des oiseaux du conte qui traversent sept vallées symboliques, le visiteur est invité à parcourir ces mêmes étapes spirituelles, chacune représentant un aspect fondamental de l’âme humaine. La Connaissance, la Quête, l’Amour, la Beauté, le Détachement, le Néant, et enfin, l’Univers. Autant de thématiques qui rythment cette exploration photographique. Ces vallées ne sont pas seulement des lieux géographiques, mais des dimensions émotionnelles et philosophiques, où les images de Reza nous confrontent à la réalité de notre monde et à la profondeur de l’humanité.
Les visions de ces photographies traduisent la paix, l’amour ainsi que la vérité qui se mélange à ce parcours initiatique. Ces photographies, prises au cœur de conflits, de souffrances mais aussi de moments de grâce et de solidarité, témoignent d’une vision humaniste où la beauté et la tragédie coexistent. L’Homme, comme le suggère l’exposition, n’a pas besoin de murs pour rêver ni de frontières pour se connecter.
L’odyssée contemporaine de Reza
Être dans l’instant, là où surgit l’événement, où s’écrit l’Histoire, et se tenir debout en témoin, boîtier en bandoulière, guettant la scène qui murmure. Puis, lorsqu’elle se dévoile enfin, presser le déclencheur dans un acte de résistance, un devoir de justice pour les oubliés et les démunis.
Au cœur des guerres les plus atroces, des conflits les plus absurdes, ou encore dans l’éclat fragile des moments solennels de paix et d’espoir, Reza est là, capturant l’instant, saisissant l’homme dans ses égarements et ses dérives, mais aussi dans sa splendeur et sa plénitude. Par ses images, il place l’humanité face à ses propres paradoxes.
Photojournaliste par vocation, Reza ne se contente jamais de rapporter une information ou de relater une actualité. Sa démarche, farouchement engagée, rejette toute neutralité face à la tyrannie et à l’oppression qui écrasent injustement des millions d’êtres humains à travers le monde. Lui-même ayant goûté à l’amertume de l’exil, il a fait de tous les cieux sa demeure, de toutes les patries un refuge, et de toutes les causes justes, son combat et sa raison d’être, avec un idéal : militer par le témoignage.
Lorsqu’un homme en uniforme presse la gâchette de son arme, Reza, face à lui, appuie sur le déclencheur de son appareil. Lorsque la larme de la perte coule, Reza la révèle au monde pour dénoncer la tragédie. Quand l’éclat de la poésie transparaît dans le chaos, il le sublime pour dire : « Voici une issue ! ».
Dans cette rétrospective intitulée « L’Odyssée contemporaine de Reza », nous retrouvons tout cela, et bien plus encore. Reza nous convie à une errance mystique, à un périple dans les sept vallées de l’âme, une quête de l’amour absolu inspirée par la grande tradition soufie persane. Sept vallées, sept thématiques rythment ce voyage photographique contemporain : une quête de vie, de paix et d’espoir, au milieu de terres arides et de mers déchaînées, difficiles à naviguer, sauf pour les esprits éclairés, les poètes visionnaires et les humanistes illuminés.
Le Musée National de la Photographie invite ses visiteurs, à travers cette exposition, à plonger dans l’univers photographique poétique et humaniste de Reza. Une invitation à découvrir l’humanité dans toute sa diversité et son unicité, dans ses moments de chaos, mais aussi dans ses instants de grâce.
Une partie de cette rétrospective se déploie à l’extérieur du Fort Rottembourg, sous forme d’une mosaïque humaine. Pourquoi en plein air ? Parce que l’Homme, par nature, est libre. Il n’a pas besoin de murs pour contenir ses rêves ou limiter ses horizons. Cette mosaïque de portraits, capturés aux quatre coins du monde, est un appel à l’acceptation, à la tolérance et au respect. Elle rappelle que, dans le monde d’aujourd’hui, nos destins sont inextricablement liés, et que le salut des temps modernes se trouve lorsque nous apercevons notre propre reflet dans le visage de l’autre.
Dans une dialectique mystique et poétique entre Orient et Occident, l’œuvre de Reza résonne comme l’écho d’une conversation intemporelle entre Ibn Arabi et Rumi.
Ibn Arabi proclame :
« Mon cœur est devenu capable
D’accueillir toute forme.
Il est pâturage pour gazelles et abbaye pour moines !
Il est temple pour idoles et la Ka’ba pour qui en fait le tour.
Il est les Tables de la Thora et aussi les feuillets du Coran !
La religion que je professe est celle de l’amour.
Partout où ses montures se tournent,
L’Amour est ma religion et ma foi ! »
Rumi, dans une harmonie subtile, répond :
« Sans amour, le monde serait inanimé.
Chaque atome est épris de cette perfection
Et se hâte vers elle.
À chaque instant retentit de tous côtés
L’appel de l’amour. »
Soufiane Er-Rahoui
Conservateur du Musée National de la Photographie