A première vue, l’histoire racontée par les clichés de Marc Lathuillière semble heureuse. Au pont tel que l’on se croirait à s’y méprendre dans un conte pour enfants, où le vivre y est douillet et les individus réjouis. En vacances, à la mer comme dans les terres ou campant fièrement au beau milieu de leur antre professionnel, ces portraits “carte postale” qui apostrophent le regardeur semblent avoir arrêté le temps. Soleil au zénith, ciels azurs, végétation grasse et mer iodée : non, c’est certain, il fait bon vivre dans cette France-là ! Même le masque que leur a demandé de revêtir l’artiste a ce quelque chose d’espiègle et de récréatif. On songe alors à ce jeu de société que l’on affectionnait enfant. Ce drôle de personnage au faciès aussi prodigieux qu’improbable, « qui est-ce ? ». Pourtant, ce fétiche de farces et attrapes s’avère vite être un ver glissé dans le fruit, l’élément nuisible, pernicieux, qui confère à ces portraits nationaux une inquiétante étrangeté, diraient les surréalistes, la marque d’un malaise que pointe Michel Houellebecq, ce « grantécrivain », dans un texte venu préfacer l’ouvrage paru chez La Martinière. Car ce masque, apparemment des plus banals et sans signe distinctif notoire, efface les potentialités expressives de ceux qui se cachent derrière. Il introduit comme un « doute sur leur authenticité », souffle l’auteur de La Carte et le Territoire. Car la France de Marc Lathuillière est à l’image des portraits de Français qu’il rencontre aux quatre coins de l’Hexagone : figée, rigide, dépersonnalisée, saisie dans son jus, oserons-nous. Tout comme le déguisement qu’ils arborent, ces derniers interrogent leur rapport au patrimoine et à ses “lieux de mémoire”. Sorte de Playmobils en puissance que des « saucisses en plastique » viendraient finalement trahir au premier plan, ces Français au visage moulé dans le vinyle font bonne figure. Le masque devient alors point de basculement où l’absurde progresse à l’ombre des soleils couchants et des résidences secondaires.
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