Gabriel Lippmann, La photographie interférentielle des couleurs
Né à Luxembourg le 16 août 1845, nommé professeur de physique à la Sorbonne en 1883, élu à l’Académie des sciences en 1886, Gabriel Lippmann est l’auteur de nombreux travaux scientifiques orientés vers l’étude des phénomènes électriques, l’optique et l’élaboration de dispositifs de mesure. Sa renommée internationale viendra avec l’invention d’un procédé « direct » de photographie en couleur qu’il présente en février 1891 et qui lui vaudra le prix Nobel de physique en 1908. Même s’il ne connaît pas un large développement commercial, ce procédé, basé sur le phénomène des ondes stationnaires, est remarquable à bien des égards. Sur un plan strictement scientifique, il apporte une contribution originale à la théorie ondulatoire de la lumière tout en proposant une solution efficace et originale au problème de la photographie couleurs.
La méthode Lippmann consiste à placer une plaque de verre (sensibilisée par une couche photographique au gélatinobromure d’argent) dans un appareil photographique adapté : le côté verre est face à l’objectif, et la surface sensible est mise en contact avec une couche liquide de mercure formant un miroir quasi parfait. Lors de l’exposition, les rayons lumineux traversent la couche sensible et viennent se réfléchir sur le mercure. Il se crée des ondes stationnaires entre la lumière incidente et la lumière réfléchie par le mercure, qui impressionnent l’émulsion suivant un réseau propre à chaque longueur d’onde. Après développement, lorsque la plaque est observée sous une incidence adaptée, la lumière va se diffracter sur ces lames d’argent semi-transparentes et restituer des couleurs spectrales de même nature que celles observées sur des bulles de savon. En mai 1893, des vues « lippmaniennes » sont présentées à Paris où elles font sensation ; mais des temps de pose trop longs, une mise en œuvre délicate, des conditions d’observation contraignantes, l’impossibilité de produire des tirages sur papier seront un obstacle à sa diffusion auprès du grand public.
Les 133 paysages, portraits et natures mortes que possède le musée de l’Elysée de Lausanne constituent un ensemble unique au monde de photographies en couleur, réalisées par Lippmann lui-même.