Le Musée Cernuschi expose Vanishing Existence de Kosuke Okahara. Il écrit :
J’avais 27 ans et mon parcours de photographe ne faisait que commencer. Même si j’avais appris les aspects techniques, je n’avais pas encore trouvé le moyen de m’exprimer d’une manière qui me paraisse significative.
Un jour, un ami proche, un camarade de classe qui travaillait à temps partiel comme chercheur et faisait du bénévolat dans des villages reculés de Chine, m’a parlé des communautés cachées de lépreux. Il m’a invité à venir avec lui. Au début, j’ai hésité, pensant à l’impact que mon travail pourrait avoir. Photographier ces villages contribuerait-il, ou au contraire, renforcerait-il la discrimination à l’égard des personnes touchées par la lèpre ?
Cette hésitation vient du fait qu’une grande partie de la discrimination envers les lépreux vient de leur apparence physique, la maladie altérant visiblement leur corps. La photographie, de par sa nature, capture ce qui se trouve devant l’objectif, et je craignais qu’elle ne perpétue par inadvertance cette stigmatisation.
Les mois ont passé et mon ami m’a à nouveau demandé de l’accompagner. Cette fois, il a ajouté que de nombreux patients étaient des personnes âgées qui pourraient bientôt décéder. Une fois partis, leurs histoires seraient oubliées à jamais. Ses paroles ont résonné en moi et j’ai finalement décidé d’aller dans le sud de la Chine, où se trouvent bon nombre de ces villages, et de documenter leur vie.
Au début, j’avais du mal à raconter leur histoire. La photographie concerne ce qui est devant vous et je ne voulais pas que l’accent soit mis sur leur apparence physique. J’ai réalisé que la réponse résidait simplement en les photographiant tels qu’ils existaient, capturer leur présence, leur existence dans ces espaces était la chose la plus importante.
Les villages étaient incroyablement isolés. L’un était au cœur de la forêt, un autre nécessitait de traverser deux ou trois montagnes et un était situé sur une petite île dans une rivière. Je me souviens très bien d’avoir rencontré un vieil homme qui vivait seul, avec son cercueil stocké dans sa maison, attendant l’inévitable.
Lorsque nous avons visité le village insulaire, mon ami, notre traducteur (qui était aussi un ami) et moi avons passé des journées paisibles avec les villageois. Je me souviens les avoir vus assis sous un grand arbre ; c’était calme et serein. Mais alors que nous traversions la rivière pour partir, j’ai réalisé que les villageois n’avaient pas traversé cette même rivière, un voyage de quelques minutes seulement, depuis des décennies. L’écart entre eux et le monde extérieur était bien plus grand que la largeur du fleuve.
C’était en 2007 et cela a marqué un tournant pour moi. Passer du temps avec ces personnes et documenter leur vie m’a aidé à comprendre ce que je voulais réaliser en tant que photographe. J’ai appris que je devais capturer l’essence des gens. Cela peut paraître abstrait, mais c’est ainsi que je travaille depuis : en m’immergeant dans la vie des gens et en montrant qui ils sont vraiment à travers mon objectif.
Cette approche a guidé mon travail pour Ibasyo, exposé au Photoquai à Paris en 2011.
Kosuke Okahara
Kosuke Okahara : Vanishing Existence
Jusqu’au 8 décembre 2024
Musée Cernuschi
7 Avenue Vélasquez
75008 Paris
http://www.cernuschi.paris.fr
Retrouvez Kosuke Okahara le 8 novembre 2024, au musée.
Réservez votre place à partir de
https://www.cernuschi.paris.fr/fr/activites-et-evenements?date=08-11-2024&type=&public=