Le photographe français aborde ce pays d’une manière différente à travers son architecture multicolore.
Depuis plusieurs années, lors de mes voyages en Irlande, j’ai pour coutume de photographier particulièrement l’habitat coloré en milieu urbain et en campagne, comme seuls ont le secret de le réaliser à leur manière, les habitants de cette île.
Leur approche picturale chatoyante se veut à la fois esthétique, sociale voire climatique. Les mélanges des couleurs résonnent et se livrent à nos yeux comme peu de personnes peuvent vraiment l’imaginer, si elles n’ont pas un jour, eu la chance de découvrir la belle île. Certes, quelques villes de la planète ont déjà pensé elles aussi, à ce type d’approche de colorisation murale aux nuances multiples, parmi elles la petite île de Burano au nord de la lagune de Venise, à Lyon sur les quais de Saône avec des immeubles aux tons d’ocre, en Alsace à Colmar, en Espagne dans une petite bourgade de la province de Malaga aux façades bleutées, en Argentine à Buenos Aires, à San Francisco…
Mais la grande île demeure comme un pays à la pointe de ce choix « Mural et Pictural » de façades multi colorées. Que ce soit dans les Comtés de Galway, du Kerry comme à Killarney, ou particulièrement dans le Comté de Cork comme ici sur entre autres des images à Clonakilty, nous sommes surpris par ce besoin de colorer la vie de son environnement au quotidien, sans oublier non plus ces petits villages de pêcheurs dont les maisons colorées se blottissent à l’abri du vent près d’un port.
Avec toutes ces couleurs osées, la pluie n’a donc pas d’emprise sur le moral des habitants de l’île. Ici, le passage rapide des nuages poussés par les vents forts venus de la mer, redonne très vite une intense luminosité à toutes ces façades volontairement multicolores, et c’est bien là le secret, le soleil revient toujours très vite dans le cœur des irlandais. Les couleurs choisies par les habitants pour peindre les habitations, sont toutes plus surprenantes les unes que les autres, jugez plutôt : des violets claquants, des mauves, du jaune citron, des verts fluo, des bleus aux belles nuances, des rouges, des vermillons…
Les mélanges de couleurs tranchants sont toujours choisis pour différencier les maisons, mettre en valeur les détails, donner du recul, du volume, de la dimension, avec des mariages de proximité aux couleurs opposées éclatantes, en fait des successions de tons que chez nous, nous n’imaginerions même pas se concrétiser aux quatre coins des rues des cités. Et pourtant! La ville de Brest quant à elle, Métropole du littoral de l’Atlantique, travaille sur ce concept de couleurs tranchées depuis déjà une bonne dizaine d’années avec un architecte des bâtiments de France.
Un article récemment paru dans le journal Le Télégramme de Brest daté du 22 mars 2018, signé Steven Le Roy, met bien en relief l’importante démarche entreprise par cette ville de la côte bretonne, vingt cinquième commune la plus peuplée de France. La sous-préfecture du Finistère tente donc elle aussi, de faire entrer un peu de couleur dans ses quartiers et dans le cœur de ses habitants. Aujourd’hui, l’incitation est aussi devenue financière. Dans certains quartiers comme celui de Kerigonan, une subvention de 700 euros peut se voir attribuée à des propriétaires qui auraient envie de bien colorier leur habitation mais ce, sous certaines conditions… L’approche se veut aussi culturelle, partagée et collective. Ainsi, Brest aurait-elle maintenant envie de se rapprocher des belles couleurs de l’Irlande? Rien ne peut séparer les cœurs…pas même la mer.
Jacques Revon
Jacques Revon né le 5 avril 1948 à La Clayette, est photographe, journaliste d’investigation et grand reporter français. Il vit et travaille à Dijon.