En dédiant nombre des espaces d’exposition aux photographes d’hier, la biennale de Moscou loue les intérêts éducatifs de la photographie. Et entre passé et futur, les liens sont parfois étroits. Ainsi, Olga Sviblova, la directrice du MAMM, s’attarde-t-elle à évoquer : « La photographie s’immisce de plus en plus dans notre vie quotidienne. La photographie “mange” les paroles, on communique bien plus facilement en images qu’avec les mots. » En convoquant les traits d’un phénomène majeur de notre époque, Olga Sviblova rappelle combien la photographie est devenue une véritable langue pour les jeunes générations russes, comme pour d’autres peuples à la liberté d’expression restée en berne.
Lors de cette 10e édition, les derniers talents du pays se retrouvent alors au Moscow Museum of Modern Art, dont le sigle imite clairement celui du musée d’art moderne de New York, à la Fondation Ekaterina ou à la Zurab Tsereteli Gallery of Arts. Citons Dmitry Lukianov et son Palace of Culture, une série d’intérieurs ou d’extérieurs de centres culturels soviétiques aujourd’hui désuets ; Sofia Tatarinova et sa série Udmurtia qui raconte l’histoire de veuves en campagne, Nikita Shokhov et ses photographies de la vie nocturne moscovite dans Moscow Night Life ; ou le drôlement nommé EliKuka group (Oleg Eliseev et Evgeny Kukoverov) qui dans Propaganda of Photographing pose une réflexion sur nos habitudes photographiques. Probablement l’exposition photographique la plus intelligente de cette 10e biennale, c’est une installation participative qui suscite à l’évidence l’intérêt du public en proposant de se mettre en scène dans divers décors photographiques communément utilisés au quotidien. « Elikuka est assurément une future star de l’art en Russie, croit aussi Olga Sviblova. Outre les questions sur les stéréotypes de nos images d’aujourd’hui, c’est un projet drôle et interactif, aussi bien pour les enfants et les adultes. Quant à Nikita Shokhov, il a reçu cette année un prix World Press pour une série de portraits posés de nudistes. »
Aussi Olga Sviblova se dit-elle très fière de « ses » étudiants russes, notamment ceux de l’école d’art de Rodchenko, dont l’objectif est de produire au moins trois artistes professionnels sur trente élèves sélectionnés chaque année. Son grand projet actuel ? Un centre baptisé Rodchenko Plus qui verra le jour dans un nouveau bâtiment légué par la ville, en janvier prochain, assure-t-elle. « Ce sera un centre d’éducation méthodique pour enfants et adultes. Il y aura des arts, mais aussi des maths, de la physique, de la biologie etc. Le but de cette structure ne sera pas seulement de renseigner, mais aussi de produire les professeurs qui pourraient enseigner dans divers endroits en Russie, notamment les banlieues moscovites. Nous espérons commencer à Moscou et ensuite avoir des filiales dans d’autres régions du pays. La culture c’est la personnalité. Même, en période politique difficile, il faut sauver les jeunes et les potentiels. En ce moment, c’est le brouillard, mais le brouillard passe toujours. »
FESTIVAL
10e biennale de phographie à Moscou
Jusqu’au 8 juin 2014
http://www.mamm-mdf.ru/en/festivals/filter/biennale-of-photography/
