Couronne de la terre : sept photographes japonais contemporains
Ken KITANO
Naoki ISHIKAWA
Takayuki MAEKAWA
Yasuhiro OGAWA
Shintaro SATO
Toshihiro YASHIRO
Kazutoshi YOSHIMURA
Surprenante incursion de la galerie « photographie classique » dans la photo conceptuelle japonaise. Ce vaste lieu habituellement dédié aux grands tirages extrêmement soignés de paysages sauvages présente une sélection de photographes japonais quarantenaires, plébiscités par leurs pairs de la Société des Photographes Japonais. Dans ce groupe censé représenter la fine fleur de la photo contemporaine orientale, on perçoit un même perfectionnisme, un goût pour le détail raffiné.
Naoki Ishikawa se délecte de la glace, qu’il poursuit sur les continents les plus frigides de la planète. Tons blancs et bleus pour des chiens huskis dans la neige, une cité prise dans les glaces, l’océan rongeant un glacier… Aussi fasciné par le froid, Takayuki Maekawa y ajoute un intérêt pour la faune, avec des portraits étonnants de proximité et même d’intimité avec des ours blancs, bruns, aigles. A l’inverse, il prend ses distances avec un troupeau qui, vu du ciel, dessine un aigle déployant ses ailes. Plus étonnant encore, il saisit un ours au moment où celui-ci tenant dans ses pattes un poisson, lui dévore la tête dans une pose qui évoque immanquablement le fameux tableau de Goya où Saturne dévore l’un de ses fils.
Entre la ville et de la nature, Yasuhiro Ogawa s’intéresse à la limite. Un pont ou un bateau qui disparaissent ou émergent de la brume, dans des tonalités impressionnistes. Avec Toshihiro Yashiro, on pénètre dans l’urbain, avec une dialectique entre le mobile et l’immobile. Avec des poses longues sur des groupes de gens en mouvement, il obtient des formes insolites et décalées, comme une sorte de soucoupe volante dans un cour d’école banale. Il s’applique à rendre mystérieux un environnement urbain plein d’ennui ; il révèle l’inquiétante étrangeté que l’œil ne veut pas voir.
Non moins fascinants, les paysages urbains nocturnes de Shintaro Sato montrent un Tokyo périphérique sans la moindre présence humaine. Les angles soigneusement choisis par le photographe donnent le sentiment que les maisons sont des organismes vivants cherchant à grimper les unes sur les autres, dans le cadre d’une bataille secrète.
Le seul à s’intéresser au visage humain est Ken Kitano, avec son projet « Nos visages ». Ce sont des mégaportraits ou « portraits de groupes » où les modèles, au lieu d’êtres présentés côtes à côtes, sont empilés pour ne former qu’un seul visage collectif, somme des traits de tous les visages. Kitano prend un groupe social ou professionnel (musulmanes, gardes rouges, etc.), et photographie les portraits d’une vingtaine de ses représentants, portraits empilés dans un second temps. Un travail original qui fait primer le collectif sur l’individuel, et qui nécessite un énorme travail de retouche pour atteindre une qualité esthétique. Le concept intrigue, le résultat déçoit car au lieu de créer le « cliché » d’un groupe social, on se trouve face à une simple photo travaillée mais où la profondeur n’apparaît pas.
Emmanuel G
« Couronne de la terre »
Jusqu’au 15 février 2012
Galerie de photographie classique
23 Savvinskaya Naberezhnaya, Bldg. 1.
Moscow
+7 495-510-7714,
classic-gallery.ru