Le thème de la biennale photo de Moscou, c’est la route. La route de Subotzky nous mène en prison. Une prison située au beau milieu d’un carrefour. Au beau milieu d’une ville, qui en fin de compte rayonne autour de l’univers carcéral. Il fallait être Sud Africain pour imaginer un concept pareil. Mikhael Subotzky, 31 ans, a une passion pour la prison. Il en a fait le thème central de ses reportages, très remarqués chez lui en Afrique du Sud, mais aussi à l’étranger (Arles, New York, Londres). De ce reportage réalisé en 2006, Beaufort West, il a déjà publié deux ans plus tard un livre édité par Chris Boot. En 2007, c’est la prestigieuse agence Magnum qui l’a embauché.
Son talent est évident à la vue des images. Un talent où se mêlent la témérité et un sens esthétique raffiné. Il composer des cadres où s’expriment les problèmes sociaux les plus aigus dans des mises en scène très soignées. On perçoit une recherche formelle jusque, par exemple, dans cette photo d’habitants de Vaalkoppies fouillant dans une gigantesque décharge, formant un cercle autour d’un homme dressé, dont le bonnet triangulaire noir indique la ligne de fuite. Presque tous les clichés sont sous tendus par des formes géométriques, des symétries ou asymétries clairement construites par le photographe. Cette beauté contraste singulièrement avec la laideur dramatique de l’objet photographié.
Avec son compatriote Pieter Hugo, c’est le deuxième Sud Africain à fournir à cette photobiennale un sujet solide. Une thématique sociale lourde. Beaufort West, 37 000 habitants, situé entre Le Cap et Johannesburg, est plombée par un terrible taux de chômage (2 tiers de la population active). Le taux d’homicide y est dix fois celui de New York. Tous les problèmes du pays y sont démultipliés : toxicomanie, épidémie du SIDA, racisme, inégalités sociales. Pas étonnant que la prison soit au centre ville.
Subotzky passe le plus clair de son temps avec les défavorisés. La première photo de l’exposition est une vue aérienne, mais on retombe vite sur terre. Fouilleurs de poubelle, bas-fonds, prostituée rejoignant son client camionneur, foyer d’alcooliques. Un rapide détour chez les riches blancs à cheval, et une longue série de photos prises en taule. Prisonniers priant, dormant, cirant les pompes du maton. Prisonnier convalescent, prisonnier sur la table d’opération. De la prison, on en sort bien souvent les pieds devant, conclut sombrement Subotzky.
Emmanuel Grynszpan
Jusqu’au 15 avril
Multimedia Art Museum, Moscou
Ostozhenka, 16
Moscou, Russie