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Montpellier : la rétrospective Patrick Tosani

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La rétrospective Patrick Tosani au Pavillon Populaire de Montpellier est impressionnante et incontournable. Elle est l’oeuvre de François Cheval qui la présente ainsi:

En indiquant que je suis toujours prêt, vingt ans après notre première rencontre, à travailler avec Patrick Tosani, je pense que mon opinion sur Changements d’état peut être partiale. D’autant plus que j’en suis le commissaire et qu’on m’en doit le titre ! C’est, je crois, la plus lisible de toutes les expositions récentes du photographe : qualité due en partie à l’architecture du lieu et à l’engagement de l’équipe du Pavillon populaire.

Changements d’état n’est pas en soi une trouvaille. Gilles Tiberghein, excellent connaisseur de l’œuvre, avait déjà mis en lumière le sens de ces images. Il avait mis à nu le caractère dérangeant, liquide et visqueux, quasiment trouble de ces formes toujours peu acceptables pour le sens commun. L’exposition de Montpellier est ce qu’on avait vainement cherché jusque-là. L’esprit de série et l’aspect rétrospectif si présent à la Maison européenne de la photographie se retirent au profit d’un récit sur l’origine des formes photographiques. C’est bien la première fois que l’on voit sur des cimaises des pièces, extraites de séries, pour être mises en relation avec d’autres pièces. Les années s’entrecroisent. La visite s’achève par les premiers travaux inédits. Le parcours est une boucle sans fin. 

Bien sûr, on trouvera ce qui a fait la bonne réputation du photographe, cette distance par rapport à l’objet photographique même. On aime se perdre dans l’illusion photographique, dans la critique radicale des conventions de cet art. Je suis frappé de revoir dans les premières séries des années 1980 ce détachement amusé et le faux ton impersonnel donnés à ses petits bricolages. Patrick Tosani est à son aise dans le mystère  dès l’origine ! Il dialogue avec le spectateur en lui jetant si peu de clarté sur ce que l’on voit réellement. Petite fabrique de leurres, le risque encouru par l’œuvre était sa réduction à un simple objet critique ; une œuvre bien française autour du décryptage du médium !

Ce malentendu, si malentendu il y a, est levé par l’exposition et le livre qui l’accompagnent. La pensée de Patrick Tosani se montre attachée au problème de la nature des éléments, des rapports que la photographie entretient avec le biologique, avec le vivant. Elle est un système d’enregistrement d’états de la matière qu’il a pris pour habitude de recouvrir. Car dans cette exposition, il s’agit avant tout de recouvrement et de sensations. Une religieuse, le gâteau pas la nonne, est repeinte d’une couleur aluminium. Une maquette de bâtiment est engloutie par un déluge pictural. Tous les objets acquièrent une seconde peau.

Et si le recouvrement ne se fait pas par un matériau « naturel », il est alors la conséquence d’une projection de photons. Mais dans tous les cas, la seconde peau a pour but d’exciter les corps et les matières et de malmener les vieux systèmes de communications de signes. Mais pas seulement.

La question prégnante de ces images est le désir, et plus encore, la relation entre désir et savoir. Il n’y a pas une image dans l’exposition, y compris dans les nouvelles pièces, nombreuses, qui ne mettent en lumière les forces internes à la nature : là où les puissances vitales, l’énergie, le magnétisme, composent avec les éléments premiers, le feu, l’eau et l’air.

Je sais ce qu’il y a d’exagéré dans cette proposition. Pire même : d’orgueil. Mais cette inversion radicale du geste photographique rend compte d’une histoire longue, faite d’invariants et de matériaux premiers. Elle relate avant tout l’histoire de la création, de l’œuvre et de sa perception. 

Cette solide charpente, fruit de trente ans de réflexion et de production, ne s’est jamais perdue dans l’ornementation et le formalisme. Elle est d’autant plus belle, l’œuvre, qu’elle est percluse de doutes. Dans la durée, tant de choses montrées et tant de choses exprimées et toujours ce mystère.

La seule légitimité de la photographie se tient là.


François Cheval
, commissaire de l’exposition

EXPOSITION
Changements d’état, 1983-2014, de Patrick Tosani.
Jusqu’au 26 octobre 2014
Pavillon populaire
Montpellier, France 

Catalogue aux éditions Hazan

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