Les Douches La Galerie propose une exposition sur l’autoportrait, ce renversement du regard du photographe qui retourne sur lui / contre lui ? son appareil. La galeriste, Françoise Morin est partie des autoportraits de Vivian Maier — qu’elle représente — pour explorer le thème, au fil d’un choix très personnel, à la recherche d’une ambigüité de lecture que le genre appelle naturellement. Non exhaustive, l’exposition montre une quarantaine d’images de 19 photographes, qui traversent les époques et racontent leur petite histoire de l’autoportrait. On ne se lasse pas des inépuisables variations de l’autoportrait — cette intimité du photographe face à lui-même —, de ce que leurs auteurs y révèlent d’eux et de leur inventivité, ainsi que du sens extrême de la composition qu’il induit.
Neuf merveilleux autoportraits au miroir de Vivian Maier donc, dont les mises en scène soignées offrent un bon aperçu du vaste registre de la photographe. Son corps fragmenté dans un ensemble de petites glaces rondes ; une image dans laquelle le geste du photographe est mis en abîme : on y voit l’artiste l’appareil dans une main, une lampe dans l’autre, tandis que son reflet se répète à l’infini. Ou encore, sépulcral bien qu’en couleurs, son visage dans un miroir de poche posé sur un bouquet de fleurs au pied d’un réverbère.
Autour d’elle, trois ellipses poétiques d’Hervé Guibert disent beaucoup de la personnalité de leur auteur : ses pieds nus sur un tapis, un livre ouvert, des chaussures ; un bras balancé dans un miroir ; une partie son corps mouvant en ombre chinoise sur un drap. Elles dialoguent avec deux images très étonnantes d’Arno Minkkinen le transformiste, qui d’habitude expose davantage son corps : dans l’une, seuls ses pieds et ses mains apparaissent sur les marches d’un escalier à vis, dans l’autre ce sont uniquement ses mains qui surgissent du haut d’une porte posée contre un mur.
Et partout, des perles : Brassaï en peignoir précieux, allongé, dans une fumerie d’opium ; Arnold Newman avec des pinceaux dans son atelier ; l’unique autoportrait de Sabine Weiss ; Raymond Depardon sur son scooter prêt à démarrer sa vie de photographe globe-trotter ; Erwin Blumenfeld derrière un verre dépoli. Ou encore l’autoportrait plein de mystère d’un Louis Faurer dont on aperçoit que la silhouette. À côté de ces grands noms de la photographie se font face les deux jeunes éclatants de l’exposition, qui proposent aussi les plus grands formats : Kourtney Roy avec deux de ses compositions tellement cinématographiques ; et le jeune Dan Leung qui pose, écrasé par le décor des buildings de Hong Kong, sa ville, au point qu’on le cherche dans l’image.
Un autre aspect de l’exposition aborde l’expérimentation du médium par le biais de l’autoportrait, avec une Berenice Abbott au visage distordu ; un très étonnant double portrait de Val Telberg, mi-homme, mi-femme ; trois autoportraits poignants de Rodolf Hervé, et trois de son père Lucien Hervé ; un hommage américain de Jean-Christophe Brécher à Lee Friedlander ; une mosaïque d’Ezra Nahmad ; et enfin un quadriptyque de Choi qui porte bien son nom : Autoportrait aux Enfers.
EXPOSITION
Autoportraits
dans le cadre du Mois de la Photo
Jusqu’au 10 janvier 2015
Les Douches La Galerie
5, rue Legouvé
75010 Paris
http://www.lesdoucheslagalerie.com
