Beauté, c’est Vérité, Vérité Beauté – voilà tout.
Ce que l’on sait sur terre, et qu’il faut qu’on sache.
– John Keats
« Mirar hacia arriba » (Regarder vers le haut) de Lizeth Arauz, est une série incontournable d’environ cent photographies, toutes en noir et blanc pour réussir à atteindre une pureté, sans distraire l’œil de l’observateur.
C’est un témoignage très objectif sur la vie de ces personnes qui ont souffert d’un trouble génétique de croissance appelé achondroplasie, plus vulgairement dit « nanisme ». Ce trouble peut arriver à la naissance sans distinction d’origine ou de sexe. Les enfants ont le torse relativement normal, mais avec des bras et des jambes courts. Il existe plusieurs variétés de nanisme: physiquement on remarque tout de suite un arrêt de la croissance et des proportions qui nous paraissent définitivement étranges.
La scène au coin de la rue sur la banquette: Amador sur les jambes de sa copine en train de l’embrasser: Amador c’est le voisin de Lizeth. Il se voit heureux avec son regard admiratif et bienveillant. Cette douce scène a réveillé la curiosité de Lizeth, pour découvrir la vie de ces personnes. Plusieurs années ont été nécessaires pour établir une amitié sincère, et une complicité à travers le projet photographique: « Mirar hacia arriba ».
Amador introduit Lizeth dans ce milieu fermé au cœur de Mexico D.F. la capitale monstrueuse, où tous se connaissent. Il lui ouvre leur espace intime, leurs expériences difficiles: pertes d’enfants, problèmes de santé, divorces, chômage, infidélités notamment, qui font aussi part de notre quotidien à nous tous. Sauf que leur monde et le rapport qu’ils ont avec l’espace et les autres est certainement plus complexe que le nôtre.
La plupart d’entre eux travaillent dans le monde du spectacle. Faire rire les autres fait partie de leur métier. Démontrer leur courage devant un obstacle plus dangereux pour eux que pour les personnes de taille normale, cela fait partie de leur vie.
J’ai fait une sélection de trente deux images parmi les cent du projet.
Pendant que j’observe les photos, j’apprécie énormément le choix du cadrage, les contrastes, bref la composition de chaque image. Les personnes de petite taille sont là, dans leur environnement, elles se montrent dynamiques, souvent en activité et heureuses.
Mais je trouve une proportion dans la non proportion. Je commence à ressentir une sorte de vertige quand je fais défiler chaque image, je me rends compte que notre regard n’est pas habitué à la différence. Notre regard peut être des fois tellement inquisiteur dans le jugement qu’on a du mal à accepter ce qui est différent ou étrange. Comment casser nos préjugés et changer notre point de vue face à la beauté ?
Le portrait en gros plan de la jeune fille Maribel avec son sourire condense pour moi une image de vérité intérieure remplie de beauté et de joie. La photo suivante, c’est encore elle avec ses mains cachant son visage. C’est ici qu’on se rend compte de son nanisme et malgré ce déséquilibre, on est pris par son charisme enchanteur.
La photographie a un rôle social très important une fois de plus ici avec ce projet : elle contribue à la transformation d’une société. Le travail photographique de Lizeth nous questionne, nous interpelle sur la relation que nous avons par rapport aux autres quand on est différent, partageant pourtant le même environnement. Cette réflexion est encore plus pertinente actuellement car on se retrouve dans un monde de plus en plus égocentriste. Chacun veut devenir une « star », à preuve ces selfies envahissants.
Lizeth Arauz est née à Mexique D.F. 1970. Elle se consacre à la photographie documentaire depuis longtemps. « Mirar hacia arriba » a reçu deux bourses du FONCA (Fond National pour la Culture et les Arts, Mexique) pour développer et aboutir le projet. Elle est auteur et commissaire d’autres importants projets photographiques.