C’était un 13 avril. Il y a presque quarante ans. En ce début de printemps 1967, la première galerie européenne entièrement dédiée à la photographie ouvrait à Milan grâce à Lanfranco Colombo, sa passion et son vœu de faire découvrir et connaître la photographie au grand public. L’emplacement était parfait pour un art alors encore si jeune en Italie, en quête de son propre langage et de ses propres formes d’expression. La galerie se situait au 10 via Brera, en plein centre de Milan, non loin de la fameuse Pinacothèque, à deux pas du bar Jamaica où les célèbres artistes Cassinari, Piero Manzoni et Lucio Fontana avaient pour habitude de se retrouver. Elle était au coeur d’un quartier « magique », rempli de galeries, d’artistes et d’amateurs d’art.
Lanfranco, disparu récemment, fut un pionnier en ce domaine – Il Diaframma ne demandait pas d’argent aux photographes qui voulaient exposer, ni ne vendait de photos, ce qui le distinguait d’autres structures existantes – grâce à sa fougue infatigable pour lancer des projets et sa capacité à voir au-delà des années soixante et soixante-dix, époque où débuta cette aventure.
S’il était alors manager dans l’industrie de l’acier, il vouait tout son temps libre à la photographie : il la pratiquait lui-même avec d’assez bons résultats, mais ce qu’il aimait par-dessus tout, c’était promouvoir la photographie et les photographes. Il avait notamment décidé de faire connaître la photographie italienne à l’étranger. La galerie devint ainsi un lieu très spécial, presque magique, où se retrouvaient des photographes, mais aussi des auteurs, journalistes, critiques et amateurs.
Pendant ses trois décennies d’existence, Il Diaframma reçut à la fois des photographes renommés – après l’ouverture, la galerie organisa une exposition de photos de Paolo Monti, Mary Ellen Mark, David Hamilton, René Burri – et de jeunes auteurs qui devaient plus tard être reconnus. Les expositions du Il Diaframma n’offraient pas seulement des images à voir : elles étaient aussi un moyen de rencontrer des gens, des photographes que Lanfranco « adoptait », d’une certaine façon, en suivant avec passion leur carrière dans le milieu singulier de la photographie. Entrer dans cette cour et cet espace, c’était se retrouver soudain entouré par la puissance de la photographie, faire avant l’heure l’expérience de l’image en quatre dimensions, notamment grâce aux histoires fascinantes que racontait Lanfranco. Qu’ils l’aient aimé ou non, tous ceux qui s’intéressaient alors à la photo lui doivent beaucoup. Lorsqu’il ne trouvait pas d’autre sponsor, il finançait ou soutenait souvent lui-même les activités de la galerie comme ses publications.
Ce qui distinguait Il Diaframma, c’était son ouverture sur tous les genres et styles de photographie : l’unique restriction inéluctable était la qualité absolue des images.
En dépit de la volonté et de la passion de Lanfranco, la galerie (qui accueillit plus de trois cents expositions, organisa un festival et des événements dans toute l’Italie, et publia des livres et des magazines consacrés à la photographie) ne survécut pas à la crise de la seconde moitié des années quatre-vingt-dix. La ville de Milan ne parvint pas à la maintenir ouverte, ni même peut-être à comprendre qu’elle était un repère dans la culture photographique : Il Diaframma était l’un des principaux lieux où se faisaient à l’époque la photographie contemporaine et les photographes. Lanfranco ne cessa en effet jamais d’œuvrer pour la photographie, en créant, en organisant et en finançant sans relâche de nouvelles initiatives, jusqu’à ses quatre-vingt-dix ans.
« Si tant de lieux dédiés à la photographie existent aujourd’hui en Italie, si l’on s’intéresse tant à cet art, c’est en grande partie grâce à une galerie comme Il Diaframma de Lanfranco Colombo, qui dans les années soixante, montra la voie à suivre », affirme le conservateur Roberto Mutti.
EXPOSITION
Il Diaframma 1967-1996: una storia italiana
Palazzo Giureconsulti
Piazza Mercanti 2
20123 Milan
Italie
