Rechercher un article

Michel Vanden Eeckhoudt, photographe de nous

Preview

Les photographies de Michel Vanden Eeckhoudt ont une construction rigoureuse, une technique parfaitement dominée. On sent bien que chez lui le métier est là, d’une solidité à toute épreuve. Il ne convoque pas les nouvelles technologies, ne multiplie pas les focales. Ne cède pas à la tyrannie du moyen format. Ne saute pas d’une mode à l’autre, il dicte à son Leica ce qu’il doit faire, pas le contraire. Les choix sont définitifs. Les photographies sont en noir et blanc. La forme est très présente. La facture classique. Le laboratoire aussi il s’en charge, car c’est dans la chambre noire que se révèlent les images, après tout.

Résumons. La plaque sensible. C’est lui ; le révélateur, il sait le doser. Il est un artisan photographe qui possède une maîtrise parfaite de son métier. Parlons maintenant des choses sérieuses. De son humour par exemple. L’humour n’est pas l’affaire des comiques. C’est une méthode de pensée.

Une manière de traverser la vie, libéré du plomb qu’on pouvait avoir au fond des poches. Une tentative de s’élever au-dessus de la mêlée humaine. De prendre du champ. D’aider les autres à supporter le monde. Cela induit bien sûr que ce qu’on a vu d’emblée était assez insupportable. L’univers que nous dévoile Michel Vanden Eeckhoudt n’est pas gai. S’il ne parcourt pas la planète pour témoigner des douleurs du monde. S’il échappe à la fascination de la guerre du drame et du sang, on voit bien qu’il ne pactise pas avec le monde des privilèges…

Je m’arrête. Vous allez penser que je parle d’un de ces donneurs de leçons qui brandissent leurs images comme des manifestes et nous renvoient, bouleversés et coupables, à notre impuissance à changer d’un coup le sens de l’histoire. Rien de tout cela chez Michel Van den Eeckhoudt. Il nous parle de nous. De nos enfants, de nos journées, de notre solitude, de nos bouffées d’allégresse, de nos fatigues, de la mort qui rôde, de la curieuse façon dont la terre tourne. De la lumière qui découpe étrangement nos silhouettes sur l’absurdité du monde…

La forme tient solidement le propos. Il raconte en images, avec une économie de moyens exemplaires, ce que de longs discours ne parviendraient pas à dire. Il nous donne à voir un monde pas tout à fait d’équerre dont il nous propose une géométrie personnelle.

Il y a tant d’humanité dans ces images qu’on en sort consolés. On sourit, on s’amuse, on ne sait plus trop où on est. C’est vrai au fond où est-on ? Il arrive que la scène se passe en Belgique puisque Michel Vanden Eeckhoudt est belge mais elle peut aussi bien se passer à l’île Maurice, en France, au Portugal, à New York, à la Martinique ou au Japon. C’est égal le propos n’est pas documentaire, il est universel.

On ne s’est jamais demandé où se passent les fables de La Fontaine. C’est du même ordre la morale en moins. Car ses images nous proposent une histoire mais ne nous imposent jamais de conclusion. Nous sommes priés d’apporter notre imaginaire, nos souvenirs, nos rêves personnels.

Francine Deroudille

Francine Deroudille est auteure spécialisée en photographie et fille du photographe Robert Doisneau. Ce texte est extrait du Photo Poche n°110 Michel Vanden Eeckhoudt, éditions Actes Sud. 

 

Michel Vanden Eeckhoudt
Du 20 janvier au 18 février 2017
Galerie Camera Obscura
268 Boulevard Raspail
75014 Paris
France

https://www.galeriecameraobscura.fr

Merci de vous connecter ou de créer un compte pour lire la suite et accéder aux autres photos.

Installer notre WebApp sur iPhone
Installer notre WebApp sur Android