« En matière de photographie, nous sommes désormais tous des déconstructionnistes. Après trente ans de Derrida, de Foucault et de Baudrillard, n’importe qui peut affirmer avec assurance- quitte à se tromper- que les photos mentent, manipulent, oppriment ; qu’elles sont des « constructions fictives » et des « discours de pouvoir » ; qu’elles ne révèlent que leurs propres préjugés et non une réalité objective ; qu’elles expriment un privilège, jamais la réalité. Or, nous nous en remettons de plus en plus volontiers à ces documents factices, moralement dénaturés. Non seulement pour nous tenir au courant de l’actualité internationale,mais aussi pour forger notre conscience morale et politique, voire, parfois,pour guider nos actions. »
Susie Linfield. Boston Review
Cette semaine, comme si cela était une malédiction, nous propose sa dose de malheurs. Moins difficile à digérer, si c’est possible, que les sept jours précédents. Une élection à priori positive au Sénégal, l’heureuse victoire confirmée de Aung San Suu Kyi en Birmanie mais un coup d’Etat imbécile au Mali, crime raciste aux Etats Unis… Il ne faut rien banaliser, ni ce qui nous semble positif ni ce qui est négatif. La dialectique entre ces deux pôles est sévère, blessante, mortelle parfois.
Se trouver au centre, en équilibre comme Harold Lloyd’s, n’est pas un dîner de gala ( to the happy few… ).
Bon, je vous prie de bien vouloir me pardonner, comme si vous ne saviez pas déjà que nous ne sommes pas là, dans ce bas monde, pour rigoler.
Mohamed Merah, l’assassin de Montauban et de Toulouse filmait ses crimes, le RAID et autre Polices ont filmé l’assaut et ses prémices. Qui les regarde ? Pourquoi ? Mon désir n’est pas d’y avoir accès. Quelques mois auparavant une photos fit le tour de la planète; les plus hautes autorités civiles et militaires des Etats Unis sont dans un sous sol de la Maison Blanche regardant en direct la fin de Bin Laden. Seuls les « dirigeants » auraient un droit de regard. Eux seuls seraient suffisamment « mature » pour reprendre un terme que j’ai employé la semaine dernière, eux ni voyeur ni sadiques mais responsables. Après la vision de l’assaut au Pakistan, je me demande si une « cellule psychologique » a été déployée pour « détraumatiser ».
On prête à Lénine la phrase : « vous autres photographes, êtes des gens dangereux », je n’ai pas en tête les 46 volumes des éditions complètes du Camarade Vladimir et ne peut vous confirmer la véracité du propos, mais c’est crédible. La photo est DANGEREUSE, c’est vrai, profitons- en, photographions et vivons dangereusement .
Bonne semaine.