MES SOUVENIRS INCONNUS.
Ou comment être dans la vie et y rester.
Quelque part se cache une partie de ma vie, celle dont il semble sympathique pour la plupart des gens de se remémorer.
De 0 à 15 ans.
Circonstances ou destin, chance ou besoin, je ne choisirai pas comment nommer le moment où j’ai acquis début Juillet 2008, cet appareil photo fabriqué par Canon, début des années 70, le G-3 QL17. Cette dénomination ressemble à une formule mathématique secrète pour initiés aux voyages intra-temporels…
Je me suis mis inconsciemment à prendre des photos sans apparentes connections entre elles; ce n’est pas du tout mon mode opératoire habituel. Les images s’appelaient d’elles-mêmes “sans-titre”, n’appartenant qu’au hasard de mes déambulations quotidiennes.
Ce n’est qu’au bout de deux rouleaux de film que j’ai compris qu’entre la réalité et moi s’interposait cet appareil photo telle une machine à remonter le temps.
Par moments, et ce spontanément, mon regard par le biais de la boîte à lumière était celui d’un être quelque peu naïf, innocent, qui se cherchait dans sa propre mémoire à l’aide de son regard quotidien. J’ai pris conscience que je me construisais des images d’un passé dont je n’arrive pas à
me souvenir :
L’image des vacances à la mer, des week-ends à la campagne, du faux amour de mes parents, le regard adolescent d’une première femme, la découverte de Paris, échappatoire à l’isolement de la banlieue, la mort de ma grande tante et de sa soeur, l’égoïste grand- mère; la présence parfois distante d’amis que je ne connaissais pas.
Ces endroits chargés du mystère quotidien qui rend la banalité parfois insolite; ces images qui me renvoient à mon inconstance entre le désir de solitude et celui d’intimité profonde.
Les images qui tout en soulignant que la place était occupée avant que de se libérer pour moi aussi, me disent que je la quitterai bientôt à mon tour, ou celles qui affirment les bonnes raisons des choix de structures et mécanismes du monde des humains mais qui me paraissent souvent incompréhensibles, voire étrangères, malgré ma bonne volonté d’y adhérer… et puis il y a les images qui ne se sont certainement pas présentées à l’époque, mais que j’aurais aimé à voir…
L’appareil en main, je suis immergé dans mes souvenirs inconnus. Avant que ne meure ma mère cet été.
© Michel Monteaux 2009
À suivre…
