L’échelle et la limite
La série que je présente ici est née d’un voyage devenu déplacement. L’Islande m’a en effet déplacé en me rendant conscient que mon corps, petit point s’agitant dans un espace et un temps démesurés, n’était que momentanément toléré.
Tout au long de ce voyage j’ai eu la sensation d’être aspiré par le paysage, d’en apercevoir une limite pour la voir s’échapper au profit d’une autre plus lointaine ou plus incertaine. Des cascades énormes, du roc, de la lave figée, des glaciers, des paysages hors des limites habituelles, fracturés, craquelés. Toutes les activités les plus violentes de la terre y sont visibles. C’est un pays magnifique mais rude et quasi désert : faire des dizaines de kilomètres sans rencontrer personne n’est pas rare. Une monotonie noire s’en dégage parfois et se transforme en une esthétique que je n’avais jamais rencontrée. L’omniprésence de la terre en activité, la météo très changeante ont renforcé ces aspects transitoires, ces effets de passage d’un élément ou d’un état à un autre rendus plus présents encore par le fait d’être seul la plupart du temps dans ces paysages désertiques, souvent, inquiétants parfois.
Le choix du noir et blanc m’a permis de rendre compte de ces aspects de l’Islande, provoquant ce rapport singulier à l’espace qui m’entourait… Mes photos tentent de restituer ce qu’a été la découverte de ces paysages, presque hors de toute présence humaine qui semble perdue quand elle se manifeste, comme hors d’échelle.
Michel Daumergue