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Michael McCarthy –Human form

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La galerie Duboys accueille l’exposition Human Form jusqu’au 05 mai; Michael McCarthy y présente une trentaine de tirages. Adepte des procédés anciens, ce « photographe qui peint ou ce peintre qui photographie » comme il se décrit, est passionné par l’humain. Il devient son propre modèle et s’interroge sur la notion fondamentale du corps dans ces séries « Anti-Portrait », « Bodies » et « What is the closest is most mysterious ». 
Rencontre avec Michael McCarthy, artiste hors norme et Dominique Ballé-Calix co-fondatrice et co-directrice de la galerie Duboys.

• Entretien avec Michael McCarthy

Dans chacune des séries que vous présentez à la galerie, vous êtes votre propre modèle : pourquoi ces autoportraits ?

Michael McCarthy : Je ne pense pas que j’aurais pu faire ce travail avec un autre modèle. À la base, ce sont des séries qui s’interrogent sur la notion fondamentale du corps, qui veulent aller au-delà d’une simple apparence. On ne peut pas échapper à notre corps, il est au centre de toutes nos expériences émotionnelles, psychologiques, intellectuelles, ou physiques. En me mettant en scène devant l’appareil photographique, j’ai un accès direct à mes propres sentiments en tant que sujet. Regarder quelqu’un d’autre pour essayer d’imaginer l’effet réel d’une pose ne serait pas suffisant. 
La plupart des nus que l’on voit dans l’art visuel sont des nus féminins et je voulais explorer l’opposé de cette tradition. Je n’ai pas de parti pris, pas de revendication spécifique ; en fait, je manifeste plutôt à l’égard de mon corps une curiosité assez sereine – n’ayant pas à me battre tous les jours, comme c’est le cas de la plupart des femmes je pense, contre une tendance de la société à transformer mon corps en objet, ni à lutter pour m’imposer comme sujet. 
Pour ce qui est du corps masculin, cela fait longtemps que je me dis qu’on ne le voit pas assez. Je ne voulais pas répéter l’expérience faite par John Copland dans ses autoportraits, sa recherche sur le vieillissement du corps, qui constitue une approche presque médicale. Je n’étais pas contre l’idée de la beauté, ou même de la grâce du corps dans les images, mais que cette beauté soit celle du corps humain plus que celle d’un corps spécifiquement masculin ou féminin. En fait, la question de l’identité sexuelle ne m’a finalement pas trop intéressée dans cette série. Je pense qu’on peut faire sortir le corps de ces problématiques liées aux représentations sexuelles : le faire entrer, en quelque sorte, dans une zone de liberté à l’égard de ces représentations, où ce qui compte est la présence, la beauté, la puissance, la vulnérabilité, l’humanité.

Votre travail est à contre courant de la photographie actuelle, pourquoi choisissez-vous les procédés anciens pour la réalisation de vos tirages ?
MMC : Je ne suis pas du tout contre la photo numérique – la preuve étant que les cyanotypes ont tous été réalisés à partir d’images numériques – mais ma frustration concernant la direction actuelle prise par le monde de la photo est que tout se ressemble. Les couleurs brillent, les détails sont impeccables et précis, les formats sont énormes. Il y a du beau travail dans ce courant mais cette tendance me semble un peu trop « superficielle » – et j’ai l’impression que l’humain est souvent en retrait dans ce type de travail. Tout ce qui est humain me fascine, et avant tout ce qui déborde, ce qui est maladroit, imparfait. C’est la vulnérabilité des êtres humains et leur lutte pour maitriser leurs défauts qui les rendent intéressants et touchants. C’est donc dans ces procédés plutôt anciens que j’ai pu trouver le vocabulaire nécessaire pour parler de l’existence humaine comme je la vois, comme j’en fais l’expérience. Cette existence n’est pas lisse, n’est pas toujours belle, n’est jamais parfaite; c’est l’idée de Sisyphe qui essaie à répétition de faire remonter son rocher sans jamais y réussir qui est la réalité parfois tragique et souvent héroïque de notre existence.

Vos photographies se créent surtout au laboratoire : vous déchirez, lacérez, froissez vos négatifs… Pouvez-vous nous expliquer votre démarche ?
MMC : C’est toujours intéressant pour moi en tant qu’artiste et professeur de voir comment, dans les arts visuels, on arrive à utiliser les techniques sans, au début, comprendre pourquoi on est saisi par une approche et pas par une autre. Il y a toujours un élément d’intuition dans mon travail. Je considère que je suis constamment à la recherche de différents moyens pour faire la prise du vue ou de techniques pour la finaliser. En quelque sorte, je dirais que je suis un photographe qui peint et un peintre qui photographie. J’ai besoin des deux approches. D’abord, la prise de vue et la notion qu’une photographie témoigne de quelqu’un ou de quelque chose qui était réellement devant l’objectif. 
Ayant vécu en Italie et en Grèce, j’ai développé un intérêt et une sensibilité à l’histoire et surtout à la vie et mort des cultures et des civilisations. Je suis fasciné par les restes archéologiques et par le déchiffrage qu’on essaie d’en faire. Sans vraiment comprendre pourquoi, j’ai tout de suite commencé avec les séries Bodies et Anti-portraits à jouer directement sur le négatif et à laisser des traces sur le corps. Le processus est assez long mais à la base il s’agit d’essais et d’expériences pour trouver les marques qui vont bien avec les images. Parfois il y a une vraie violence contre le négatif et l’image, parfois c’est plus subtil et cela ressemble plus à du dessin qu’à une déchirure. Le tirage en lui-même ressemble plutôt à un tirage noir et blanc normal, mais parfois j’interviens à ce stade pour moduler les tonalités de l’image finale par l’introduction de solarisations. Après le tirage, je passe au virage des images. Là, j’ai toute une palette de choix entre les virages commerciaux et assez classiques, comme le sépia et le sélénium, et les virages au thé ou au café, ou même avec des produits qui sont faits pour l’entretien de la propreté d’un labo traditionnel mais qui réagissent d’une manière intéressante à l’émulsion des photos noir et blanc.

• Entretien avec Dominique Ballé-Calix

Jeune galerie d’art contemporain, vous exposez aujourd’hui votre 4e exposition de photographie avec le travail de Michael McCarthy. Quel rapport la galerie entretient-elle avec la photographie ?
Posée en ces termes, votre question me surprend car je n’avais pas l’impression d’avoir organisé 4 expositions de photographie ! Vous faites référence à l’exposition « deux femmes, deux regards, deux Amériques » et surtout à « This is not That », 10 photographes indiens ? Cette dernière exposition a eu un tel succès, à la fois, en terme de retombées médiatiques, d’audience et de ventes, qu’elle a pu jouer, un temps, sur la façon dont nous avons été perçus par le public. Ce sont en définitive les deux seules expositions 100% photo que nous ayons faites.
Ce qui nous intéresse, c’est le propos de l’œuvre, la démarche artistique de l’artiste, pas la technique. Ainsi, dans l’exposition « Trajets », nous avions confronté le travail du photographe Andrey Zouari, à celui du street artiste Oakone. De la même façon, aujourd’hui, dans « Human Form », nous confrontons celui du photographe Michael McCarthy, à celui de la vidéaste/chorégraphe Frédérique Chauveaux.
Dès lors les rapports que nous entretenons avec la photo sont clairs : c’est pour nous, un médium comme un autre qui a acquis son droit d’entrée dans une galerie d’art contemporain au même titre que la peinture, la sculpture, les installations, la vidéo… J’ai une formation d’historienne de l’art à l’Ecole du Louvre notamment ; mon associé Thierry Diers, Directeur artistique à la galerie Duboys, est peintre, architecte, diplômé des Beaux-arts… et collectionneur depuis de nombreuses années. Inéluctablement, nous sommes plus attirés par la photographie dite « plasticienne », que par le photojournalisme par exemple. Ensemble, nous suivons notre ligne artistique, nos goûts, nos coups de cœur … et notre œil, auquel nous avons la faiblesse d’accorder une grande importance. Nous sommes tous les deux collectionneurs d’art contemporain: à titre privé, nos choix vont de même, et la photo y figure… au gré de nos rencontres.

Comment se porte la vente des photographies dans votre galerie – comparée aux autres médiums ? Les collectionneurs d’art contemporain s’intéressent-ils à la photographie ?
Il serait un peu présomptueux de notre part de vouloir tirer des statistiques en regard de nos 18 mois d’existence. La mise en œuvre plus aisée de ce médium et le fait que nous présentions des artistes émergents dans la photo ont une conséquence sur les prix : ils sont peut-être moins élevés que pour d’autres artistes plus confirmés que nous représentons. Cela permet de faciliter un achat dit « coup de cœur » pour certains de nos collectionneurs qui ne recherchent pas apriori de la photo. Mais, la qualité de nos expositions photo nous a cependant fait repérer par des collectionneurs exclusivement dédiés à la photographie, qui nous ont suivi dans nos choix et semblent nous être fidèles. Et nous en sommes ravis.

Pourquoi avoir choisi le travail de Michael McCarthy ?
Il est une excellente illustration de mes propos précédents. Indéniablement, il est un très grand technicien de la photo, un virtuose de la chimie, procédant à des virages et des tirages d’une qualité qui n’appartiennent qu’à lui… Mais, il est beaucoup plus que cela: il développe une véritable démarche artistique qui tire l’ensemble de son œuvre vers le haut.
A l’époque du fichier numérique transmis par Internet, Michael McCarthy retrouve le cœur de la photo, son « négatif », qu’il dompte, lacère, déchire… dans une démarche proche de la gravure. Volonté de retrouver les préoccupations et sensations des balbutiements de la photographie, là ou elle était alchimie de bidouilleur solitaire ? C’est ce travail à contre- temps de l’époque, transportant le photographe dans les préoccupations du peintre, qui nous a intéressé. D’ailleurs, Michael ne serait- il pas peintre? Le résultat n’évoque-t-il pas aussi des fragments archéologiques arrachés au sol ? Au-delà de la découverte, de la rencontre et des mots, il y a l’action.

Pouvez vous nous parler de votre prochaine exposition ?
Nous allons trancher avec notre exposition en cours, « Human form », pour rentrer dans l’actualité !
En effet, nous avons donné depuis 2 mois, carte blanche à cinq artistes, en pleine campagne pour les élections présidentielles françaises, afin qu’ils expriment leur ressenti, leur témoignage dépassionné, loin des discours officiels des candidats en lisse, et dans l’inconnue des résultats du scrutin. Leurs créations seront dévoilées le 10 mai, donc après le 2ème tour… Nous avançons avec eux sans filet. Cette exposition s’intitule « 3ème tour, musique d’une campagne ». Elle réunira Stéphanie de Rougé, Frédéric Bourret et Andrey Zouari, tous trois photographes, Oakone, street artiste et Raoul Hébréard, plasticien/vidéaste. Là aussi, vous allez dire que nous faisons encore de la photographie ? Peut-être une certaine immédiateté possible de ce support a-t-elle orienté notre choix. Le vernissage de ce « 3ème tour » qui nous révèlera des surprises, aura lieu le samedi 12 mai : nous vous y recevrons avec plaisir !

Exposition Human Form 

Du 16 mars au 05 mai 2012 
Galerie Duboys – 6 rue des Coutures Saint-Gervais – 75003 Paris

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