On nous explique que toute modification de notre angle de vue altère notre perception de l’objet examiné, et qu’il s’agit là d’une parallaxe. Le physicien Werner Karl Heisenberg, l’un des pères de la mécanique quantique, note que selon le principe d’incertitude, le simple fait d’observer quelque chose a une influence sur sa position.
La nature même de la photographie, cette aptitude à capturer un instant pour le revisiter plus tard, nous permet de voir le passé à travers une fenêtre et d’observer ce moment, figé comme une mouche piégée dans de l’ambre. Lorsqu’on se sert d’un réflexe, l’instant de la prise de vue nous est caché : le déclencheur relève le miroir et soustrait le sujet visé à notre vue. Ce n’est qu’après le développement que nous pouvons découvrir la photographie, avec des résultats souvent inattendus. Avec les appareils télémétriques comme le vieux Leica utilisé pour nombre de ces photos, le mécanisme ne cache jamais cet instant. Notre cerveau enregistre le moment précis qu’on a choisi pour appuyer sur le déclencheur. À l’occasion du traitement subséquent, on recherche dans la pellicule une affirmation de ce que l’on espérait capturer. Pourtant, vue avec la distance imposée par le temps, l’image acquiert une certaine individualité. Sur un plan affectif, on n’est plus impliqué dans sa création, et un certain détachement survient.
Les photographies de cet ouvrage consignent des choses que j’ai vues depuis 1970, lorsque j’ai commencé à utiliser l’appareil photo pour encadrer ce que je voyais. Elles représentent une interprétation subjective de questions dont je me suis soucié au cours de ma vie : la solitude dans un paysage urbain par exemple, la relation entre les gens et la nature, ainsi que l’empreinte humaine sur notre environnement, cette interprétation évoluant au fil des ans. Elles reflètent ma propre perception de l’objet sur lequel se pose mon regard, et restent là, souvenirs statiques de moments uniques.
Michael Dunev
Michael Dunev, Parallax
Publié par Ediciones Poligrafia
60,00 $